Carole Roussopoulos, née de Kalbermatten, a été une des pionnières de la vidéo. Militante aux côtés des opprimé-e-s, en particulier des femmes, elle est décédée le 22 octobre 2009.
Cette vidéaste hors-normes a réalisé et monté près de cent-cinquante documentaires, mue par la volonté constante de « faire comprendre que c’est un grand bonheur et une grande rigolade de se battre ! »
L’association a été créée en sa mémoire afin de permettre à ses nombreux films de continuer à exister, pour bâtir une mémoire collective des luttes du XXe siècle.
Grèves ouvrières, luttes anti-impérialistes, mouvements révolutionnaires et féministes, la vidéaste Carole Roussopoulos a constitué tout au long de sa vie une mémoire en images des résistances à l'oppression.
Pionnière de la vidéo, elle a réalisé et monté près de 150 documentaires, toujours dans une perspective féministe et humaniste.
Son œuvre considérable qui couvre quarante ans de luttes est conservée à la Médiathèque Valais en Suisse et à la Bibliothèque nationale de France.
Carole Roussopoulos possédait la double nationalité française et suisse. Chevalière de la Légion d’honneur, elle est partie en 2009, après avoir reçu le prestigieux Prix culturel du Valais pour l’ensemble de son œuvre.
"Mes images vous appartiennent...". L'Association Carole Roussopoulos organise et soutient des évènements pour que la mémoire des « sans-voix » filmée tout au long des 40 dernières années se transmette de génération en génération.
PAR HÉLÈNE FLECKINGER
Née le 25 mai 1945 à Lausanne, Carole Roussopoulos passe son enfance à Sion et s’installe à Paris en 1967. Deux ans plus tard, sur les conseils de son ami l’écrivain Jean Genet, alors qu’elle vient d’être licenciée par le magazine Vogue, elle achète l’une des premières caméras vidéo portables, le fameux « Portapack » de Sony, dont le premier acquéreur en France fut Jean-Luc Godard. Avec son compagnon Paul Roussopoulos, elle fonde le premier collectif de vidéo militante, « Vidéo Out », et dès lors ne cesse de donner la parole aux « sans-voix », opprimé·es et exclu·es : « La vidéo portable permettait de donner la parole aux gens directement concernés, qui n’étaient donc pas obligés de passer à la moulinette des journalistes et des médias, et qui pouvaient faire leur propre information. »
Le militantisme vidéo de Carole Roussopoulos s’inscrit dans le courant de contestation culturelle issu de mai 68. Tout au long de la décennie 70, dotée d’un sens aigu de l’Histoire, elle accompagne les grandes luttes qui lui sont contemporaines, livre une critique des médias, dévoile les oppressions et les répressions, documente les contre-attaques et les prises de conscience. Caméra au poing, Carole Roussopoulos soutient les grèves ouvrières (six documentaires en trois ans sur les conflits Lip), les luttes anti-impérialistes (celles des Palestinien·nes, Black Panthers et autres mouvements de libération), homosexuelles (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire) et surtout féministes : les combats en faveur de l’avortement et de la contraception libre et gratuite dès 1971, la mobilisation des prostituées de Lyon en 1975, celle contre le viol, la lutte des femmes à Chypre et dans l’Espagne franquiste.
C’est à cette époque qu’elle co-réalise, notamment avec Delphine Seyrig à qui elle a appris la vidéo dès 1974, deux pamphlets devenus des références par leur inventivité, leur humour et leur irrévérence : Maso et Miso vont en bateau, détournement d’une émission télévisée avec Françoise Giroud, alors Secrétaire d’État à la condition féminine, et S.C.U.M. Manifesto, d’après le manifeste de Valerie Solanas. « Il y a un moment où il faut sortir les couteaux. C’est juste un fait. Purement technique. […] Le couteau est à la seule façon de se définir comme opprimé. La seule communication audible », écrivait Christiane Rochefort dans sa préface. Carole Roussopoulos contribue à cette « définition de l’opprimé » à sa façon : elle expérimente les immenses possibilités offertes par la vidéo, nouveau moyen d’expression, outil sans passé ni école, que les femmes s’approprient à la même époque partout dans le monde, et qui permet une agitation directe sur le terrain des luttes. Elle conçoit toujours ses bandes comme des supports à débats et les diffuse sur les marchés, avec la chanteuse Brigitte Fontaine et la musicienne Julie Dassin, avant que ne soit créé le collectif de distribution spécialisé dans la vidéo militante, « Mon œil ».
Entre 1973 et 1976, Carole Roussopoulos enseigne la vidéo à la toute nouvelle Université de Vincennes. En 1982, avec ses complices Delphine Seyrig et Ioana Wieder, elle ouvre le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, premier centre de production et d’archivage de documents audiovisuels consacrés aux femmes créé grâce au soutien financier du Ministère des droits de la femme d’Yvette Roudy. Elle y réalise de nombreux documentaires sur l’éducation non sexiste, les femmes immigrées, des métiers féminins méconnus ou non reconnus, comme celui d’agricultrice, et tourne des portraits de féministes (Flo Kennedy, Yvonne Netter). À partir de 1984, au sein de Vidéo Out, elle poursuit son exploration de sujets ignorés (pauvreté extrême, sans-abris, toxicomanie, prisons, mort des malades) et commence sa série sur l’inceste, « le tabou des tabous », dont le premier volet est sous-titré La Conspiration des oreilles bouchées (1988). De 1986 à 1994 à Paris, prenant la suite de Frédéric Mitterrand, Carole Roussopoulos dirige et anime le cinéma d’art et d’essai « L’Entrepôt », espace culturel regroupant trois salles, une librairie et un restaurant. En 1995, elle retourne vivre dans le Valais, près de Sion, et continue d’y travailler comme réalisatrice, défricheuse de terrains négligés : violences faites aux femmes, viol conjugal, combat des lesbiennes, excision, études sur le genre, mais aussi personnes âgées, dons d’organes, soins palliatifs, handicap. « Je me réveille le matin et je me dis : ’’ça, il faut que ça s’arrête’’, expliquait récemment Carole Roussopoulos. Ce qui m’intéresse, c’est d’avoir un petit levier d’action sur la réalité, en toute modestie, car je n’ai jamais pensé qu’une bande vidéo allait changer le monde. C’est la conjoncture, la rencontre de gens à un moment donné, qui fait bouger les choses. Et alors, l’image et mon énergie peuvent effectivement intervenir. C’est une question d’énergie, plus que d’esthétique. Et une question de colère, un mot que j’aime beaucoup. Je trouve que la colère est quelque chose d’extrêmement positif. C’est ce qui fait qu’on ne s’endort pas ».
En 1999, celle qui aimait à se comparer à la figure de passeuse au volley ball (« tu prends la balle et tu la passes »), réalise Debout ! Une histoire du Mouvement de libération des femmes (1970-1980), un long-métrage documentaire qui alterne images d’archives et entretiens avec les femmes qui ont créé et porté le mouvement en France et en Suisse. Le film rend hommage à leur intelligence, leur audace et leur humour et enthousiasme les jeunes féministes : « Les vidéos montrent les yeux qui brillent encore aujourd’hui, trente ans après. Le rôle des images dans la transmission est donc décisif, elles permettent de casser les clichés », soulignait Carole Roussopoulos. C’est avec le même souci de transmettre une histoire méconnue et souvent falsifiée, qu’elle s’était récemment engagée dans le projet « Témoigner pour le féminisme », mis en place par Archives du féminisme et qui entend répondre à l’urgence de sauvegarder la mémoire des luttes féministes passées et actuelles.
Au moment de sa mort, Carole Roussopoulos mettait la touche finale à un documentaire bouleversant intitulé sobrement Delphine Seyrig, un portrait, qui dévoile les aspects méconnus d’une actrice aux facettes multiples, trop souvent réduite à une icône surréelle et inaccessible. Le film évoque avec force ses convictions et ses engagements féministes, sa découverte et sa pratique de la vidéo en tant que réalisatrice, en nous faisant partager ses enthousiasmes et ses colères. Marguerite Duras disait de Delphine Seyrig : « La seule entrave à sa liberté, c’est l’injustice dont les autres sont victimes ». Elle aurait aussi pu le dire de Carole Roussopoulos.
En mai et juin 2007, la Cinémathèque française rendait un vibrant hommage à cette « géante du documentaire politique à l’instar de Joris Ivens, René Vautier, Chris Marker ou Robert Kramer »,selon la formule de Nicole Brenez. Ces dernières années, le travail de Carole Roussopoulos a fait l’objet de programmations en Europe : La Rochelle, Nyon et La Comédie Genève (Suisse), Trieste (Italie), Tate Modern (Londres), ou encore en Turquie et au Québec. En 2001, Carole Roussopoulos était nommée Chevalière de la Légion d’honneur et en 2004, elle était lauréate du Prix de la ville de Sion. Le 9 octobre 2009, elle rassemblait ses ultimes forces pour recevoir en plaisantant le prestigieux Prix culturel du Valais pour l’ensemble de son œuvre.
Carole Roussopoulos a réalisé et monté près de cent-cinquante documentaires, toujours dans une perspective féministe et humaniste, mue par la volonté constante de « faire comprendre que c’est un grand bonheur et une grande rigolade de se battre ! » Son œuvre est conservée à la Médiathèque Valais, à Martigny (Suisse), et archivée également à la Bibliothèque nationale de France, à Paris.
Les citations de Carole Roussopoulos sont extraites de l’entretien paru dans la revue Nouvelles Questions Féministes (volume 28, n°1, 2009, p. 98-118).
La vidéo portable permettait de donner la parole aux gens directement concernés, qui n’étaient donc pas obligés de passer à la moulinette des journalistes et des médias, et qui pouvaient faire leur propre information.
Le militantisme vidéo de Carole Roussopoulos s’inscrit dans le courant de contestation culturelle issu de mai 68. Tout au long de la décennie 70, dotée d’un sens aigu de l’Histoire, elle accompagne les grandes luttes qui lui sont contemporaines.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1970 (product.), 7min., N/B
Au lendemain de l’arrestation d’Angela Davis en octobre 1970, Jean Genet lit à trois reprises un texte de dénonciation de la politique raciste des États-Unis, de soutien au parti des Black Panthers et à Angela Davis, pour une émission de télévision qui sera finalement censurée.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1971 (product.), 26min., N/B
Paris, 1971. Ce film montre des images de la première manifestation homosexuelle à l’intérieur du traditionnel défilé du 1er mai et la discussion qui a lieu, quelques semaines plus tard, à l’Université de Vincennes, dans le cadre d’un séminaire de philosophie. Parmi les militant-e-s du tout nouveau Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire, on retrouve la féministe Anne-Marie Fauret et Guy Hocquenghem.
Réalisation : Carole Roussopoulos
Suisse, Vidéo Out, 1972 (product.), 27min., N/B
Gabrielle Nanchen, première femme suisse députée socialiste au Conseil National est interviewée le jour même où les femmes obtiennent le droit de vote en Suisse et dans son canton, le Valais. Le film recueille également les réactions des paysans valaisans.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Paul Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1972 (product.), 12min.30, N/B
En septembre 1972, un commando palestinien du nom de Septembre Noir prend en otage la délégation israélienne aux jeux olympiques de Munich. Ce film, qui dénonce l’hypocrisie de cette illusoire « paix olympique », est un montage d’images de la télévision officielle et d’images tournées dans les camps de réfugiés palestiniens de Jordanie en septembre 1971 (Septembre Noir), en pleine répression des populations palestiniennes par les armées du roi Hussein.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1973 (product.), 17min., N/B
Document militant en faveur de l’avortement et la contraception libre et gratuite. Le film alterne des images de la première grande manifestation féministe qui a lieu à Paris le 20 novembre 1971 et des images d’un avortement illégal pratiqué selon la méthode Karman.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1973 (product.), 25min., N/B
Besançon, août 1973. Après l’occupation de l’usine LIP par les forces de l’ordre, une ouvrière, Monique Piton, raconte leurs quatre mois de lutte, souligne la place décisive des femmes dans le Comité d’Action et dénonce le rôle joué par la télévision.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1973 (product.), 25min., N/B
En septembre 1973, après des négociations sur la reprise de l’usine LIP, les syndicats lancent l’idée d’une Marche nationale de soutien aux ouvriers en grève, à Besançon. Des grévistes parlent du Comité d’Action et de ses rapports avec les structures syndicales. Le film montre des images de la Marche et des lieux de rassemblement.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Paul Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1973 (product.), 13min.30, N/B
Janvier 1973. Suite à l’assassinat par le Mossad de Mahmoud al Hamchari, premier représentant de l’O.L.P. à Paris, la communauté palestinienne, accompagnée de ses rares soutiens politiques en France, se réunit dans un cimetière de la banlieue parisienne pour lui rendre un dernier hommage.
Caméra : Carole Roussopoulos
France, Galerie Stadler, 1973 (product.), 45min., N/B
Constat vidéo de « Action Autoportrait(s) » réalisée par l’artiste Gina Pane à Paris, Galerie Stadler, en janvier 1973. L’action, sur le thème de la condition féminine, se déroule en trois phases successives : « Mise en condition », « Contraction », « Rejet ». Dans « Rejet », Gina Pane, face au public, se gargarise avec du lait jusqu’à ce qu’il atteigne son tube digestif. Le sang de sa lèvre, coupée précédemment, se mêle alors au liquide, puis elle le régurgite dans un récipient en verre. Elle réitère cette opération une vingtaine de fois, avec la même lenteur et la même concentration…
Caméra : Carole Roussopoulos
France, Galerie Stadler, 1974 (product.), 72min., N/B, silencieux
Constat vidéo de « Action Psyché (Essai) » réalisée par l’artiste Gina Pane à Paris, Galerie Stadler, en janvier 1974. L’action comporte plusieurs phases distinctes et lentes. Dans un premier temps, Gina Pane est agenouillée au-dessus d’un miroir posé à même le sol. En scrutant son reflet, elle dessine l’image de son reflet avec un bâton de rouge à lèvres et des crayons à maquillage. Comme si elle fardait ses yeux, Gina Pane s’incise les arcades sourcilières par petites touches précises avec une lame de rasoir. Le sang qui s’écoule semble maquiller ses paupières et perle sur ses joues commes des larmes...
Caméra : Carole Roussopoulos
France, Galerie Stadler, 1974 (product.), 26min., N/B
Constat vidéo de la mise en place de « Action mélancolique 2x2x2 » réalisée par l’artiste Gina Pane en octobre 1974, à Naples, Studio Morra.
Caméra : Carole Roussopoulos
France, Galerie Stadler, 1974 (product.), 44min., N/B
Constat vidéo de « Action mélancolique 2x2x2 » réalisée par l’artiste Gina Pane en octobre 1974, à Naples, Studio Morra. À la fin de l’action, dos au public, la plasticienne prend une lame de rasoir et coupe le bord de son oreille droite, en hommage à Van Gogh. Puis, face au public, assise sur une chaise, elle place devant son visage un ventilateur qui l’hypnotise. Au moment ultime de l’action, Gina Pane, l’oreille bandée et à nouveau dos au public, écrit sur le mur blanc : « La sérénité d’Ulysse ou la métamorphose de Kafka... »
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Galerie Stadler, 1975 (product.), 10min., N/B
L’action « Death Control » réalisée par l’artiste Gina Pane, en janvier 1975, à Paris, Galerie Stadler, se déroule dans deux pièces distinctes : une pièce au rez-de-chaussée occupée par le public face à une installation de huit moniteurs dont quatre retransmettent simultanément l’action qui se déroule dans la seconde pièce située à l’étage supérieur. Le visage de Gina Pane, les yeux mi-clos, est recouvert d’asticots grouillants mêlés à la sciure. Simultanément les quatre autres moniteurs diffusent une bande vidéo enregistrée auparavant et représentant un anniversaire célébré par deux enfants.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1975 (product.), 40min., N/B
En mai 1975, à Chypre, est organisée une Marche internationale de femmes pour exiger l’application de la résolution de l’ONU ordonnant à la Turquie de laisser les chypriotes grecs regagner leurs habitations. Le film donne la parole aux femmes chypriotes, dans les camps de réfugiés et à l’occasion de la Marche, recueille leur analyse politique de la situation et les laisse exprimer leur douleur.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1975 (product.), 40min., N/B
Au printemps 1975, deux cents femmes prostituées occupent l’église Saint-Nizier à Lyon. Face à la caméra, parfois dissimulées maladroitement, elles témoignent en tant que « femmes et mères » pour exiger que cesse le harcèlement policier, fiscal et social dont elles sont les victimes. À l’extérieur de l’église, des moniteurs vidéo retransmettent leurs paroles pour les passants.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Ioana Wieder
France, Carole Roussopoulos, Ioana Wieder, 1975 (product.), 30min., N/B
Le 5 octobre 1975, un millier de femmes venant de toute la France se rassemblent à Hendaye pour manifester contre les exécutions de cinq militants basques par le régime franquiste (cf. le film « Les Mères espagnoles »). Des Espagnoles exilées parlent de leurs conditions de vie en France et plus particulièrement des relations entre hommes et femmes. La marche vers la frontière se déroule dans une émotion accentuée par la beauté des chants des femmes basques.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Ioana Wieder
France, Carole Roussopoulos, Ioana Wieder, 1975 (product.), 60min. et 28min., N/B
Espagne, 27 septembre 1975. Cinq militants basques, condamnés à mort, sont exécutés par le régime franquiste. Quelques jours plus tard, la mère d’Otaegui raconte l’arrestation de son fils, le procès puis son exécution barbare, à coups de fusil au visage. La mère de Txiki lit une lettre de son fils et raconte le procès « fantôme », la torture et l’assassinat. Elle s’adresse à toutes les femmes et les exhorte à continuer à lutter contre le fascisme.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig
France, Les Insoumuses, 1976 (product.), 27min., N/B
Lecture mise en scène d’extraits de « S.C.U.M. Manifesto » (Society for Cutting Up Men) de Valerie Solanas, édité en 1967 et alors épuisé en français. Delphine Seyrig en traduit quelques passages à Carole Roussopoulos qui les tape à la machine. En arrière plan, un téléviseur diffuse en direct des images du journal télévisé dont on entend par moments les nouvelles apocalyptiques. Comme le livre, le film est un pamphlet contre la société dominée par l’image « mâle » et l’action « virile ».
Réalisation : Nadja Ringart, Carole Roussopoulos, Delphine Seyrig, Ioana Wieder
France, Les Muses s’amusent, 1976 (product.), 55min., N/B
Le 30 décembre 1975, après avoir vu sur Antenne 2 l’émission gentiment misogyne de Bernard Pivot intitulée « Encore un jour et l’année de la femme, ouf ! c’est fini », à laquelle était invitée Françoise Giroud, quatre féministes détournent l’émission par des interventions humoristiques et impertinentes pour conclure que « le secrétariat d’Etat à la condition féminine est une mystification ».
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1976 (product.), 30min., N/B
En 1976, à Besançon, les ouvriers de LIP occupent à nouveau leur usine et relancent la production de montres. Monique et Christiane témoignent de la difficulté d’être femme face aux ténors de la revendication syndicale. Pour mettre en évidence le racisme de genre qu’est le sexisme, Monique propose de remplacer dans son récit « homme » par « blanc » et « femme » par « arabe ». S’ensuit un témoignage éloquent et drôle.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1976 (product.), 30min., N/B
Un couple d’ouvriers chez LIP : elle est ouvrière spécialisée et lui chef de chaîne. Ils abordent les problèmes de la situation faite aux femmes, les conditions de travail et la démocratie interne au syndicat.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Corinne Happe, Anne Rizzo
France, Vidéo Out, 1978 (product.), 55min., N/B
Deux amies, Anne et Corinne, se retrouvent pour parler d’elles-mêmes, de la violence faite aux femmes, des agressions qu’elles ont subies, du viol et de leur propre aliénation. Elles discutent avec trois avocates féministes, Monique Antoine, Colette Auger, Josyane Moutet, de la justice et de la répression.
Caméra : Carole Roussopoulos
France, Marie-Jo Bonnet, Carole Roussopoulos, 1978 (product.), N/B
Document de tournage sur le Salon des Femmes Peintres et Sculpteurs de 1978, qui s’était enfin ouvert aux jeunes femmes rebelles sous l’impulsion du féminisme contestataire des années 1970. Sont filmés l’arrivée des artistes et l’accrochage des œuvres (tapisseries, sculptures, peintures). Louise Janin, à plus de 90 ans, nous présente fièrement sa grande œuvre musicaliste. Apparaissent également d’étranges œuvres de plasticiennes anonymes.
Caméra : Carole Roussopoulos
France, Marie-Jo Bonnet, Carole Roussopoulos, 1978 (product.), N/B
Aline Gagnaire (1911-1997) est filmée dans son atelier parmi ses œuvres et, avec Marie-Jo Bonnet, évoque la fondation du Salon des Femmes Peintres et Sculpteurs en 1881 par Hélène Bertaux, ses objectifs et les problèmes actuels rencontrés par les artistes femmes. Aline Gagnaire parle de sa révolte de femme, de ses « tableaux-chiffons », lit un des ses poèmes, et présente certaines de ses œuvres : les calligrammes, les tableaux blancs, ses visages sculptés et ses « autoportraits » terriblement émouvants.
Caméra : Carole Roussopoulos
France, Marie-Jo Bonne, Carole Roussopoulos, 1978 (product.), N/B
Initiatrice du projet de film « Point d’émergence », fondatrice en 1972 de La Spirale, une des premières associations féministes consacrées en France à la création des femmes, Charlotte Calmis (1913-1982) parle de sa volonté de « casser l’image » pour explorer les perceptions nouvelles d’un autre monde, indépendant de l’homme et de ses seuls sens. Ses œuvres abstraites, comme ses collages subversifs sur le thème des recherches de l’identité, témoignent de son engagement dans l’art et le politique.
Caméra : Carole Roussopoulos
France, Marie-Jo Bonnet, Carole Roussopoulos, 1978 (product.), N/B
Filmée dans son atelier de Montrouge, Vera Pagava (1907-1988) parle de sa recherche picturale de la lumière, loin des « outrances » de son époque. Contemplative au regard doux, elle a évolué vers l’abstrait en faisant preuve d’une détermination à toute épreuve puisqu’en dépit d’une vie matérielle difficile due à l’exil, elle a consacré sa vie à la peinture.
Colère, un mot que j’aime beaucoup. Je trouve que la colère est quelque chose d’extrêmement positif. C’est ce qui fait qu’on ne s’endort pas.
En 1982, avec ses complices Delphine Seyrig et Ioana Wieder, Carole Roussopoulos ouvre le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir, premier centre de production et d’archivage de documents audiovisuels consacrés aux femmes créé grâce au soutien financier du Ministère des droits de la femme d’Yvette Roudy. Elle y réalise de nombreux documentaires sur l’éducation non sexiste, les femmes immigrées, des métiers féminins méconnus ou non reconnus, comme celui d’agricultrice, et tourne des portraits de féministes (Flo Kennedy, Yvonne Netter). À partir de 1984, au sein de Vidéo Out, elle poursuit son exploration de sujets ignorés (pauvreté extrême, sans-abris, toxicomanie, prisons, mort des malades) et commence sa série sur l’inceste, « le tabou des tabous », dont le premier volet est sous-titré La Conspiration des oreilles bouchées (1988).
Réalisation : Danièle Bordes, Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1980 (product.), 30min., N/B
Document sur la lutte des travailleurs immigrés faisant la grève des loyers dans les foyers Sonacotra avec l’appui, sur le plan de la défense légale, de Jacques Verges, avocat, et du juge Bidalou.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Catherine Valabrègue
France, Pour une Ecole Non Sexiste, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, 1982 (product.), 17min., coul.
A partir du travail de réflexion mené par des élèves de 3e au C.E.S de Mondoubleau, sur les rôles féminins et masculins et l’égalité entre les sexes, un débat s’engage entre les élèves et leur professeure.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Catherine Valabrègue
France, Pour une Ecole Non Sexiste, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, 1982 (product.), 22min., coul.
Deux filles, élèves de 3e au C.E.S. de Vendôme, réalisent une enquête sur le thème de « la femme aujourd’hui » et font le bilan des réponses. Leur professeure, la directrice de l’établissement et leurs mères donnent leur point de vue.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Ioana Wieder
France, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, 1982 (product.), 60min., coul.
Margo Jefferson, professeure de journalisme à New-York et Ti-Grace Atkinson, écrivaine et théoricienne féministe, interviewent Flo Kennedy, avocate noire américaine, sur le racisme, le droit des minorités et l’E.R.A. (amendement constitutionnel pour garantir le droit des femmes).
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, La Théâtrelle, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, 1982 (product.), 40min. et 13min., coul.
En 1982, les femmes d’agriculteurs sont officiellement « sans profession ». Quatre agricultrices de Champagne-Ardennes témoignent de l’amour du métier malgré des conditions éreintantes et de la répartition des tâches avec leurs maris. Elles unissent leurs forces et créent la toute nouvelle Association Féminine pour le Développement de l’Agriculture (A.F.D.A.).
Réalisation : Carole Roussopoulos, Francine Dauphin, Dominique Hervé, Liliane Siegel
France, Liliane Siegel, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, 1982 (product.), 50min., coul.
Document sur un accouchement qui, pour une fois, montre la souffrance endurée par les femmes, démystifie les méthodes d’accouchement dites « sans douleur » et annonce le besoin de la péridurale.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, 1983 (product.), 25min., coul.
L’une des premières femmes avocates du barreau de Paris en 1920, suffragette, juriste spécialisée dans le droit des femmes, Yvonne Netter s’interroge sur l’évolution du partage des rôles dans la société, sur la place qu’y tiennent les femmes aujourd’hui et sur le mouvement féministe.
Réalisation : Niko Marton, Dominique Blin-Basset, Carole Roussopoulos
France, Ministère des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale, 1983 (product.), 22min., coul.
Des assistantes maternelles chez elles, parmi les enfants dont elles ont la garde, parlent du choix de ce métier, de leur relation avec les enfants et les parents, de la non-reconnaissance de leur profession et présentent leur nouvelle association.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Claude Vauclare
France, Vidéo Out, Centre d’Etude et d’Action Sociale Maritime, 1984 (product.), 32min., coul.
Six conchylicultrices du bassin de Marennes-Oléron (Charente-Maritime), témoignent de leurs conditions de vie et de travail, des difficultés de la profession et de la répartition des tâches entre hommes et femmes. Ginette est devenue cheffe d’exploitation, Denise s’est mise à son compte avec son mari et milite en faveur de la codétention qui apporte une protection à la femme en cas de divorce ou de décès de l’époux.
Réalisation : Nicole Fernandez, Carole Roussopoulos, Ioana Wieder
France, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, Cinémathèque Française, 1984 (product.), 7min30, N/B
Réalisé à l’aide de photos d’archives et de citations tirées de deux dictionnaires du cinéma (Dictionnaire du cinéma de Jean Tulard et Dictionnaire des cinéastes de Georges Sadoul), ce documentaire souligne la quasi absence des réalisatrices de cinéma de 1900 à 1960 et montre combien est déprécié le travail des quelques rares femmes citées.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Nicole Fernandez
France, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, 1984 (Product.), 22min., coul.
Documentaire sur un stage (GRETA, association « Retravailler », Délégation Régionale des Droits de la Femme) visant l’insertion ou la réinsertion sociale et économique de mères assumant seules la charge de leurs enfants. Ce stage les aide à sortir de l’enfermement domestique, leur donne un sens de l’autonomie et des responsabilités et leur permet de s’unir sur des objectifs communs.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, 1984 (product.), 5min., coul.
Colette Auger, avocate et présidente de l’association « Révolte Légitime », présente la proposition de loi déposée en 1984 et visant à ce que les enfants, naturels ou légitimes, se voient attribuer les noms accolés des deux parents. À la deuxième génération, chacun choisirait de transmettre l’un de ces deux noms.
Réalisation : AFAIF et Carole Roussopoulos
France, AFAIF, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, 1984 (product.), 27min., coul.
Des femmes arabes immigrées animent une émission à Radio G. (Radio Gennevilliers) et créent une Association, l’AFAIF (Association des Femmes Arabes Immigrées en France). Elles témoignent du besoin de se regrouper pour sortir de leur isolement, de la recherche de leurs racines et de leur volonté de résoudre leurs problèmes économiques, sociaux et culturels.
Réalisation : Michel Celemenski, Carole Roussopoulos, Carine Varène
France, Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir, 1984 (product.), 26 et 14min.30, coul. et N/B
Critique de cinéma dans l’Allemagne de l’entre-deux-guerres, Lotte Eisner (1895-1983) se réfugie en France à l’arrivée de Hitler au pouvoir et fonde la Cinémathèque Française avec Henri Langlois et Georges Franju. Le film témoigne de la jubilation professionnelle d’une femme au regard fin et politique. Lotte Eisner y évoque Louise Brooks, Fritz Lang, Murnau, ainsi que le jeune cinéma allemand, Herzog et Fassbinder.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1984 (product.), 30min., coul.
Le film suit Christine Ockrent, première rédactrice en chef et présentatrice d’un journal télévisé en France, dans les coulisses de son métier : conférence de rédaction, sélection des dépêches et des images, montage, rédaction et présentation du journal.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la participation de Maryvonne et Jean-Claude Caillaux
France, ATD Quart Monde 1985 (product.), 24min., coul.
Le film est tourné dans une cité de promotion familiale à Herblay (Val d’Oise) où vivent des volontaires du mouvement ATD Quart Monde. Des familles pauvres disent combien il est difficile de faire des projets lorsqu’on ne trouve pas de travail, qu’on n’arrive pas à se nourrir normalement et qu’on ne peut résoudre ses problèmes de santé. Elles affirment en même temps leur volonté de s’en sortir, le refus de l’assistance et s’insurgent contre l’image que les médias donnent d’elles.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Comité de Défense des artisans Bateliers, Vidéo Out, 1985 (product.),10min., coul.
A l’occasion d’un barrage partiel de la Seine par les péniches, à Paris à l’automne 1985, des femmes et hommes mariniers parlent de la méconnaissance de leur métier de transporteur par les « gens à terre ». Ils évoquent la dureté de leur travail d’artisan batelier et s’indignent du manque d’intérêt des pouvoirs publics pour cette profession conduite à l’asphyxie par la concurrence « déloyale » d’autres moyens de transport de marchandises comme la S.N.C.F.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1985 (product.), 25min.30, coul.
Sur le port de pêche de Lorient en Bretagne, près de 800 femmes travaillent, les fileteuses le jour, les trieuses de poissons la nuit. Quelques-unes témoignent des conditions dans lesquelles elles exercent leur métier, des conditions quasiment inchangées depuis cinquante ans : dans le froid, l’humidité et la glace, debout, portant de lourdes charges, et toujours sans statut.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Pierre Vuarin
France, Délégation Interministérielle à l’Insertion Sociale et Professionnelle des jeunes en Difficulté, Mission Nouvelles Qualifications, le GREP (Groupe de Recherche pour l’Éducation Permanente), Vidéo Out, 1985 (product.), 17min.30, coul.
À l’occasion de l’action expérimentale « Nouvelles Qualifications », destinées à former des jeunes au métier de caviste, certains témoignent de leur situation antérieure (chômage, échec scolaire…) Les gérants, « tuteurs » de ces jeunes, exposent leur démarche pour transmettre leur savoir-faire et leurs connaissances. Une seule jeune femme suit cette formation et, avec son tuteur, évoque l’originalité de la place des femmes dans cette profession exclusivement masculine.
Réalisation : Dominique Blin-Basset, Catherine Addor Confino, Chantal Potier
Montage : Carole Roussopoulos
France, Fondation de France, Ministère des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale, Vidéo Out, 1985, 26min., coul.
Ce film vise à faire connaître les modes d’accueil existant en milieu rural pour les enfants jusqu’à l’âge de 6 ans, le fonctionnement étant assuré par les parents avec l’aide de la Fédération Nationale des Associations Familiales Rurales (FNAFR) et de l’Association des Collectifs Enfants-Parents (ACEP). Les parents présentent les raisons du choix de mode d’accueil (halte-garderie, garderie familiale rurale, crèche parentale, garderie péri-scolaire, jardin d’enfants) et exposent les démarches à entreprendre auprès des différents partenaires.
Réalisation : Geneviève Bastid avec la collaboration de Carole Roussopoulos
France, Délégation Régionale d’Île-de-France à la Condition Féminine, Vidéo Out, 1986 (product.), 21min., coul.
Trois jeunes femmes tentent d’expliquer les raisons affectives et sociales qui les ont conduites à devenir toxicomanes. Elles évoquent les difficultés de communication avec leur famille, la volonté d’échapper à une réalité peu attrayante, la souffrance et l’énergie qu’elles doivent déployer pour sortir de la drogue.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Claire Sutter
France, Mission Égalité Professionnelle, Vidéo Out 1986 (product.), 30min.30, coul.
Ce documentaire vise à faire connaître les plans pour l’égalité professionnelle en application de la loi de 13 juillet 1983, et les actions de diversification des emplois des femmes en cours dans six grandes entreprises françaises (Aérospatiale, CEA, COGEMA, EDF-GDF, Moulinex et SOFINCO).
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Délégation à la Condition Féminine, Ministère chargé des Transports, Vidéo Out, 1987 (product.), 28min., coul.
Une quinzaine de femmes qui exercent un métier dans le secteur des transports (conductrices de bus, de train, pilote, cheffe d’escale, officier mécanicienne, cheffe de dépôt…) racontent les raisons de leur choix professionnel, la formation reçue par le biais d’études techniques ou par la promotion interne, la nature de leurs responsabilités et leur place dans l’entreprise.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Vidéo Out, 1987 (product.), 25min., coul.
En 1986, le nouveau Centre de Détention de Mauzac (Dordogne), d’une capacité d’accueil de 240 détenus, ouvre ses portes. Des détenus, des surveillants et les membres de la direction parlent du travail sur l’exploitation agricole et les chantiers extérieurs, de l’organisation de l’espace en unités d’habitation, de l’affectation par affinité des détenus qui, ayant la clef de leur cellule, circulent librement dans la journée.
Ici, prison ne rime pas avec conditions de vie dégradantes.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Collectif Féministe contre le Viol, 1988 (product.), 30min., coul.
Claudine, Monique, Emmanuelle et Anne, qui se sont rencontrées grâce à la permanence téléphonique « Viols Femmes Informations », témoignent des viols par inceste subis pendant leur enfance. Elles se souviennent de leur désarroi et de leur tentative de faire cesser les agissements de leur père ou grand-père. Elles évoquent les signes et paroles adressés avec l’espoir de trouver de l’aide dans leur entourage.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Délégation Interministérielle à l’Insertion Professionnelle et Sociale des Jeunes en Difficulté, 1988 (product.), 17min., coul.
Film de montage. 360 entreprises et 485 jeunes… « Je crois que grâce à cet effort de réflexion qui nous est demandé pour transmettre notre savoir-faire aux jeunes, on prend plus conscience de notre métier… », déclare un gérant de cave, tuteur de l’un des jeunes. « Ces jeunes ont participé eux-mêmes à la recherche, à la réflexion sur leur propre formation, sur leur propre emploi et d’ailleurs sur l’emploi de leur tuteur et sur l’organisation du travail… », explique quant à lui Bertrand Schwartz.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Délégation Interministérielle à la Ville (D.I.V.), 1989 (product.),17min., coul.
La Délégation à la Ville et le Théâtre de l’Opprimé ont conçu le projet de commémorer le bicentenaire de la Révolution Française à travers des cahiers de doléances théâtrales. Dix sites de « développement social » se sont prêtés à cette aventure. Dans chaque ville, un groupe de jeunes a présenté trois forums locaux. Les Forums Généraux les ont tous réunis à Paris, en compagnie de leurs soutiens venus des quatre coins de la France.
Le rôle des images dans la transmission est décisif, elles permettent de casser les clichés.
Dans les années 90, Carole Roussopoulos dirige et anime le cinéma d’art et d’essai parisien « L’Entrepôt », espace culturel regroupant trois salles, une librairie et un restaurant. En 1995, elle retourne vivre dans le Valais en Suisse et continue d’y travailler comme réalisatrice, défricheuse de terrains négligés : violences faites aux femmes, viol conjugal, combat des lesbiennes, excision, études sur le genre, mais aussi personnes âgées, dons d’organes, soins palliatifs, handicap. « Je me réveille le matin et je me dis : ’’ça, il faut que ça s’arrête’’.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Le Poisson Volant, 1990 (product.), 30min., coul.
A travers le quotidien d’un centre de planning familial à Paris, des femmes de toutes générations et de tous milieux, nous font partager leurs préoccupations actuelles, en s’appuyant sur « l’histoire des acquis, qui sont fragiles… ». C’est sur cet héritage commun que se construit l’avenir des femmes.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration de Sylvie Guichard
France, Fondation de France, 1990 (product.), 24min., coul.
L’importance primordiale du jeu pour le développement de l’enfant est aujourd’hui reconnue. Mais quelle place faisons-nous à l’enfant dans nos espaces extérieurs, à la ville comme à la campagne, à l’époque de l’urbanisme intense et de l’automobile reine ? Ce film a été tourné dans neuf écoles maternelles et primaires dont les cours ont été aménagées avec le soutien de la Fondation de France.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Francine Claude-Leyssenne, Anne-Marie Langohr
France, (ANACT) Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail, Fédération Nationale CFDT Santé Sociaux, Fondation Européenne pour l’Amélioration des Conditions de Vie et de Travail, Fondation de France, Institut pour l’Amélioration des Conditions de Travail, 1991 (product.), 30min., coul.
A l’hôpital général de Martigues et à l’hôpital universitaire Erasme de Bruxelles, des équipes de soins parlent pour la première fois de leur souffrance face à la douleur et à la mort des malades. Elles expriment leurs difficultés, leur désarroi, leurs peines à l’égard des malades, des familles, des collègues et des médecins et leur besoin d’une véritable formation.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Fondation de France, (ANACT) Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail, Fédération Nationale CFDT Santé Sociaux, 1992 (product.), 35min., coul.
Qu’ils soient dans des services de pédiatrie, cancérologie, médecine générale, ou qu’ils travaillent dans des unités de soins palliatifs, les médecins expriment, face à la souffrance et la mort de leurs patients, leurs sentiments de tristesse, de révolte et d’impuissance, évoquent les modalités d’échange et de partage mises en place avec leurs équipes et témoignent aussi des possibilités actuelles de traitement de la douleur, encore mal connues et trop peu utilisées.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Claudine Le Bastard
France, Collectif Féministe Contre le Viol, 1992 (product.), 35min., coul.
Ce documentaire sur l’inceste est destiné à l’ensemble des professionnels pour la sensibilisation, la formation, la réflexion sur le signalement et la rétractation. Les divers confidents de l’enfant (médecin, juge des enfants, policier, travailleur social, enseignant, éducateur, animatrice du Planning Familial) racontent leur découverte de l’inceste, leur manque de formation, leurs difficultés et leurs espoirs.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Fondation de France, Fédération Nationale CFDT Santé Sociaux, 1993 (product.), 30min., coul.
Ce film est le troisième éclairage d’une trilogie consacrée à la mort des malades et à la souffrance ressentie par ceux qui les entourent dans leurs derniers moments. Des familles ayant récemment vécu la mort d’un proche disent leur chagrin, leur désarroi et leur angoisse lors de cet accompagnement ultime et parlent de l’accueil, du soutien et du réconfort du malade et de sa famille dans certains lieux de soins.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, La Fondation de France, Le Centre d’Accueil et de Soins Hospitaliers de Nanterre, La Fondation Crédit Local de France, 1993 (product.), 33min., coul.
Vagabonds, sans domicile fixe, ils sont nombreux à vivre dans l’errance. à l’initiative de Xavier Emmanuelli, le CHAPSA (Centre d’Hébergement et d’Accueil pour les Sans Abri) de l’Hôpital de Nanterre assure, en milieu hospitalier, des services d’accueil et de soins aux plus démunis. Ce film a contribué à la création du Samu social.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Marie-Jo Guisset et Alain Villez
France, Fondation de France, Fédération Nationale CFDT Santé Sociaux, 1993 (product.), 16min., coul.
Confrontés à l’accompagnement d’un parent âgé, les familles expriment leur fatigue physique mais également leur épuisement moral. S’occuper d’un proche vieillissant, prendre soin de lui au jour le jour, veiller à son bien-être et à sa sécurité devient, le temps passant, une tâche parfois insurmontable. Elles expriment le besoin de « souffler » et le bienfait d’un « répit » apporté par un accueil temporaire.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration de Jaquemine Farge
France, Centre Européen Contre les Drogues, 1994, 12min.30, coul.
Ce film de montage, réalisé à partir de clips européens de prévention contre la toxicomanie, montre comment les différents pays européens tentent de dissuader les enfants et les jeunes de prendre des drogues (héroïne, coke, cannabis, pilules, alcool, solvants...). Il témoigne, en images, d’approches plus ou moins violentes et réalistes pour en dénoncer les effets.
Réalisation : Carole Roussopoulos
Suisse, Association François-Xavier Bagnoud, 1996 (product.), 13min., coul.
L’Antenne François-Xavier Bagnoud, une équipe de spécialistes au service des mourants et de leur famille, créée le 16 juin 1992 à Sion, en Suisse, a pour mission d’offrir aux personnes en fin de vie une alternative à l’hospitalisation par une prise en charge à domicile. Des patients et leur famille s’expriment sur ce qu’ils ont pu vivre dans le cadre de cet accompagnement.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Marie-Jo Guisset
France, Fondation de France, 1996 (product.), 16min.30, coul.
Réglementé par la loi du 10 juillet 89, l’accueil des personnes âgées chez des particuliers est aujourd’hui encore une pratique mal connue et développée de manière très inégale selon les départements. Pour quelle raison devient-on famille d’accueil ? Cette formule est-elle une réponse adaptée aux attentes des personnes âgées et de leur famille ? Quels sont le soutien et la formation nécessaires à l’exercice de la fonction d’accueillant familial ? Ces questions et beaucoup d’autres sont abordées dans ce film.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Thérèse Dossin, Marie-Sylvie Richard et Annie-Moria Venetz
France, Fondation de France, Association François-Xavier Bagnoud, CFDT Santé Sociaux, Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail, Association des Dames du Calvaire, 1996 (product.), 35min., coul.
Ce film sur les soins palliatifs propose, en contrepoint, le moyen d’atténuer tant de souffrances : travailler « en équipes avec le malade ». Il a été tourné à Paris dans la Maison Médicale Jeanne Garnier, aux Urgences de l’Hôpital Saint-Louis, avec le réseau Ville Hôpital Paris Rive Gauche et en Suisse à l’antenne François-Xavier Bagnoud. Malades, familles, soignants, pharmaciens, bénévoles ont été interrogés au cours de leurs activités quotidiennes.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration de Antonia Mösle
Suisse, Carole Roussopoulos, Amarock Production, 1997 (product.), 26min., coul.
A l’initiative de la Commission cantonale LAVI, ce film donne la parole à deux femmes, Antonia et Fathia, confrontées à la violence conjugale en Valais et en Suisse romande. Avec avec des professionnel-les, elles proposent des perspectives d’amélioration dans l’accueil et l’accompagnement des victimes, suggèrent un changement du regard porté par la société et préconisent une responsabilisation des auteurs de ces actes par un changement de loi.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration de Liliane Andrey
Suisse, Parti socialiste valaisan, 1997 (product.), 21min., coul.
Le 16 mars 1997 restera pour les militant-es et les sympathisant-es du Parti socialiste valaisan une journée particulière, faite d’étonnement, d’enthousiasme et d’une immense joie partagée. Pour la première fois en Valais, un socialiste est nommé au Conseil d’Etat. Les Valaisan-nes ont choisi Peter Bodenmann pour exprimer leur désir de changement et leur volonté de vivre dans une société plus juste.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Claudine Le Bastard
France, Collectif Féministe Contre le Viol, 1998 (product.), 30min., coul.
Derrière les murs d’établissements respectables (écoles privées et publiques, centres médicaux, centres pour handicapés, œuvres sociales et autres lieux de vie pour l’enfance, D.A.S.S.), l’enfant n’est pas toujours à l’abri de violences sexuelles perpétrées par les éducateurs, enseignants, soignants ou autres personnes ayant autorité. Et souvent, l’institution en cause est plus prompte à se protéger du scandale qu’à protéger les victimes.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Marie-Jo Guisset
France, Fondation de France, 1998 (product.), 20min., coul.
Tourné en milieux agricole, ouvrier et aisé, le film donne la parole à des résidents de petites unités de vie d’une vingtaine de personnes, situées au cœur des villages ou des quartiers, et qui associent des espaces privés et communautaires avec une surveillance régulière et des soins infirmiers. Ce type de structure permet un accueil de proximité, une atmosphère conviviale, un respect de l’individu et de ses choix.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Le Centre Français de Protection de l’Enfance, 1998 (product.), 25min.30, coul.
Créé en 1947, le Centre Français de Protection de l’Enfance, mène des actions concrètes et novatrices en faveur des enfants en difficulté, voire en détresse, en raison de handicaps sociaux ou familiaux. Pour ces enfants, le parrainage peut être un moyen de vivre leur enfance et de recevoir l’affection dont ils ont tant besoin. Il ne s’agit ni d’une adoption ni d’un placement, la famille de l’enfant reste le chef d’orchestre, comme l’expliquent des enfants, des parrains et marraines, une mère, des travailleurs sociaux et des responsables de l’association.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Marie-Jo Guisset et Alain Villez
France, UNIOPSS, 1998 (product.), 25min.30, coul.
Au centre Lannouchen à Landivisiau et à la maison de retraite « Docteur Guicheney » à Bourgneuf-la-Forêt, deux structures qui s’adaptent aux besoins des personnes âgées, des résidents expliquent pourquoi ils ont choisi de quitter leur domicile, la plupart avec tristesse. Ils évoquent leurs moments de cafard mais aussi, une fois cette décision acceptée, les raisons pour lesquelles on peut s’y sentir bien.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration de Lucien Rosset, Marie-Paule Zufferey, Jean-Paul Margelisch
Suisse, Parti Socialiste Valaisan, Canal 9, 1999 (product.), coul.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration du Dr Marie-Sylvie Richard
France, Association des Dames du Calvaire, 1999 (product.), 25min.30, coul.
Film de montage. À Paris, la Maison Médicale Jeanne Garnier est une maison de soins palliatifs. On y reçoit des patients atteints d’une maladie grave mais pouvant se stabiliser. Ces patients ont besoin d’être soulagés de leurs symptômes, à commencer par la douleur, les problèmes respiratoires, les problèmes digestifs, etc… Mais ils ont aussi besoin d’être entendus dans leur angoisse et accompagnés. Des patients, leurs proches, l’aumônier, une équipe soudée de soignants et la doctoresse Marie-Sylvie Richard soulignent l’importance de l’écoute du malade, plus que de la maladie, pour trouver la paix, la sérénité et le sens de la vie.
Réalisation : Carole Roussopoulos
France, Suisse, Carole Roussopoulos, 1999 (product.), 1h.30, coul.
À travers de nombreuses archives (sonores, photographiques et audiovisuelles), ce film rend hommage aux femmes qui ont créé et porté le Mouvement de libération des femmes en France et en Suisse, à leur intelligence, leur audace et leur humour. Il se pose comme un relais entre les pionnières et les nouvelles générations.
La relève n’est peut-être pas médiatique, on n’en parle pas tous les jours dans les journaux, elle est peut-être souterraine, mais capitale. Les femmes ne vont pas rentrer à la maison… Je crois que l’ère des paillassons est terminée.
En mai et juin 2007, la Cinémathèque française rendait un vibrant hommage à Carole Roussopoulos, cette « géante du documentaire politique à l’instar de Joris Ivens, René Vautier, Chris Marker ou Robert Kramer », selon la formule de Nicole Brenez. Ces dernières années, le travail de Carole Roussopoulos a fait l’objet de programmations en Europe : La Rochelle, Nyon et La Comédie Genève (Suisse), Trieste (Italie), Tate Modern (Londres), ou encore en Turquie et au Québec. En 2001, Carole Roussopoulos était nommée Chevalière de la Légion d’honneur et en 2004, elle était lauréate du Prix de la ville de Sion. Le 9 octobre 2009, elle rassemblait ses ultimes forces pour recevoir en plaisantant le prestigieux Prix culturel du Valais pour l’ensemble de son œuvre.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Marie-Jo Guisset
France, Fondation de France, 2000 (product.), 17min.30, coul.
Tourné à l’Oasis à Levallois Perret (Hauts-de-Seine) et à l’Agardon à Aussilon (Tarn), ce film présente l’accueil de jour. Les personnes âgées accueillies et leurs familles expriment les bénéfices d’une telle formule qui complète les dispositifs habituels de soutien à domicile. Les professionnels expliquent la finalité de l’accueil de jour, ses modalités de fonctionnement et parlent des questions de financement.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Marie-Jo Guisset et Alain Villez
France, UNIOPSS, 2000 (product.), 9min.30, coul.
Dans ce film de montage, des personnes âgées de différentes structures d’accueil en France, s’expriment avec une franchise et une lucidité surprenantes sur la difficulté de quitter leur domicile, les raisons de leur entrée en institution, leurs attentes et leur vie au quotidien (soins, repas, loisirs…).
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration du Dr Claude Bayard
Suisse, USCO / Hôpital de Gravelone, Sion, 2000 (product.), 26min., coul.
La signification « soins palliatifs » est comprise de manière trop restrictive, se limitant à des soins terminaux. L’objectif premier est de vivre le mieux possible jusqu’au terme de sa vie, comme nous l’expliquent les familles de patients et l’équipe soignante de l’Unité de Soins Continus de l’hôpital de Gravelone à Sion en Suisse.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration de Christine Delphy
France, Association Cinquantenaire du deuxième sexe, 2001 (product.), 47min., coul.
En janvier 1999, cinquante ans après la publication de l’ouvrage magistral de Simone de Beauvoir « Le Deuxième Sexe », un colloque réunit à Paris des femmes de 37 pays. Le film alterne les moments forts du colloque, des témoignages des proches de Beauvoir et des entretiens avec les femmes venues des quatre coins du monde pour parler du rôle que « Le Deuxième Sexe » a joué dans leurs vies.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Thérèse Dossin, Chantal Grimaud et Alain Villez
France, Fondation de France, 2001 (product.), 30min., coul.
La moitié des décès en France concerne des personnes de 75 ans et plus. La loi du 9 juin 1999 donne un droit d’accès aux soins palliatifs à toute personne dont l’état le requiert. Qu’en est-il pour les personnes âgées ? Ce film leur donne la parole ainsi qu’aux familles, soignants et bénévoles.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration de Véronique Ducret et Rina Nissim
Suisse, La Coordination Suisse de la Marche mondiale des femmes, 2002 (product.), 31min., coul.
La Marche mondiale des femmes porte les revendications fondamentales du Mouvement des femmes qui nous donnent encore 2000 bonnes raisons de continuer à lutter, en Suisse romande comme ailleurs, contre les violences faites aux femmes et contre la pauvreté dont elles sont les premières victimes.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Anne Zen-Ruffinen sur une idée de Juliette Mathys-Sierro
Suisse, Fondation du Home du Glarier, Sion, 2002 (product.), 25min., coul.
Ce film dément les vieux clichés négatifs, encore très tenaces, qui veulent que l’EMS soit un lieu d’enfermement où toute vie a disparu. Vieillir en liberté, c’est pouvoir exprimer ses choix là où l’on vit, bénéficier des soins que son état requiert, recevoir l’amour des siens, mais aussi des autres, pouvoir rire, pleurer, parler, être écouté, chanter. C’est pouvoir s’en aller accompagné dans la confiance et la dignité. Ce documentaire montre aussi, avec beaucoup de franchise, les attentes du personnel qui leur permettront de vivre pleinement leur engagement auprès des vieillards, dans le respect et l’affection.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Liz Schick
Suisse, Pro Transplant – Tackers 2002 (product.), 22min. et 9min.30, coul.
Versions française, allemande et anglaise doublées
En janvier 2002, une soixantaine d’enfants transplantés, originaires de quatorze pays, ont été invités par Liz Schick à venir passer une semaine à Anzère, une station de ski valaisanne en Suisse. Ils nous parlent de leurs interventions lourdes, mais aussi de leur plaisir à se retrouver, menant les mêmes activités que les jeunes de leur âge. Il ne s’agit donc pas d’acharnement thérapeutique.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Véronique Ducret
Suisse, Le 2e Observatoire, Solidarité Femmes, Viol-Secours, 2003 (product.), 30min. et 9min.30, coul.
Les femmes victimes de viol conjugal sont nombreuses. Trois d’entre elles expriment leur souffrance et leur colère. Des professionnel-le-s des milieux médicaux, sociaux et juridiques à Genève apportent également leur contribution. Le point de vue juridique laisse apparaître les lacunes de la législation suisse.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Chantal Grimaud
France, Les Petits Frères des Pauvres, 2003 (product.), 30min., coul.
Des bénévoles d’accompagnement dans le feu de l’action témoignent de leur engagement auprès de personnes âgées malades. Ils expriment avec spontanéité en quoi ce choix de donner de leur temps transforme leur vie personnelle. En lien avec la personne âgée, ils tissent également des relations privilégiées avec les familles et créent un vrai partenariat avec les professionnels de la santé, à domicile comme à l’hôpital.
Réalisation : Carole Roussopoulos
Suisse, Lestime, 2003 (product), 27min., coul.
Lors de diverses manifestations, dont l’Expo 02, la Lesbian and Gay Pride de Berne en 2000 et l’inauguration des locaux de « Lestime », ce film propose de nombreux témoignages sur le fait d’être lesbienne aujourd’hui, avec comme fil rouge, le très beau spectacle de Catherine Gaillard « Les Amazones ».
Réalisation : Carole Roussopoulos avec Rina Nissim
Suisse, Espace Femmes International, 2003 (product.), 29min., coul.
Ruth Fayon, déportée par le régime nazi pendant la Seconde Guerre Mondiale, accepte, après trente ans de silence, de se confronter régulièrement à l’indicible auprès de collégiens. Pour ce témoignage bouleversant, Primo Levi se joint à Ruth Fayon grâce aux images d’archives.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Philippe Beuret, Nathalie Favre, Mark Milton
Suisse, La Main Tendue Suisse romande, 2004 (product.), 23min., coul.
143 - Numéro d’urgence en cas de... de quoi au fait ? Qu’y a-t-il derrière ce numéro et l’anonymat qui protège les personnes qui appellent autant que celles qui écoutent ? Qui peut faire ce travail et comment sont formées ces personnes ? Pour la première fois, la Main Tendue montre des visages et sort de l’anonymat. Le film a été tourné dans les centres d’écoute de Bienne, Genève, Lausanne et Sion.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Anne Zen-Ruffinen
Suisse, Carole Roussopoulos, Anne Zen-Ruffinen, 2004 (product.), 54min., coul.
L’association suisse Idées’Elles et l’ONG malienne Prométhée travaillent en partenariat à la réalisation d’un projet de développement durable qui soutient les activités commerciales des associations féminines rurales de la région de Mopti, au Mali. Ce film rend compte de l’utilisation des microcrédits à travers les activités des femmes (élevage, maraîchage, pêche) en suivant Lalia, membre du comité de l’ONG Prométhée.
Réalisation : Carole Roussopoulos
Suisse, Délégation à la petite enfance, 2004 (product.), 17min.30, coul.
A Genève, du diplomate au réfugié, du confédéré au saisonnier, comment leurs jeunes enfants vivent-ils au quotidien leur différence, notre différence ? Ce film a pour objectif d’exposer des actions menées autour des différentes cultures présentes dans la petite enfance, pour prouver que l’enfant est le meilleur vecteur d’intégration. Il montre trois tentatives, en jardin d’enfants et en crèche, d’accueillir de façon différente des jeunes enfants et leurs familles.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration de Frédéric Esposito et Susanna Zammataro
Suisse, Institut européen de l’Université de Genève - Plate-forme Eurocité, 2004 (product.), 12min.30, coul.
Conçu pour susciter des réactions auprès des élèves sur le thème de la Suisse et l’Europe, ce film donne la parole à dix adolescents de 15 à 18 ans (niveau collège et école de commerce). Leurs interrogations, leurs craintes, leurs doutes sur la Suisse et son environnement européen révèlent le peu d’espace accordé à la question Suisse-Europe dans le programme de leurs cours.
Réalisation : Carole Roussopoulos
Suisse, Carole Roussopoulos, Rêve : Poc, 2005 (product.), 17min., coul.
À Sion, un groupe de collégiens décide de s’intéresser à ce « secret des familles ». En parallèle aux témoignages de deux jeunes femmes victimes (document d’archives), ils réagissent, font part de leur difficulté à en parler et du manque de formation et d’information en milieu scolaire.
Réalisation : Carole Roussopoulos
Suisse, Carole Roussopoulos, 2005 (product.), 28min.30, coul.
Six jeunes, cinq garçons et une fille, racontent comment ils ont commencé à fumer du cannabis pour s’amuser avec leurs copains et comment leur vie s’est rétrécie petit à petit autour de leur consommation. Six tranches de vie pour une même réalité : le cannabis les a rendus dépendants !
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Jean-Marc Dupont
Suisse, FOVAHM et Carole Roussopoulos, 2006 (product.), 36min., coul.
La FOVAHM (Fondation Valaisanne en faveur des personnes handicapées mentales) accueille plus de 270 personnes dans ses lieux de vie (homes et appartements), ses ateliers d’occupation et ses centres de formation. Les thèmes du logement, du travail, des loisirs, de la formation, de l’intimité, des rapports humains et de la politique sociale en lien avec les personnes handicapées mentales sont abordés par les personnes en situation de handicap.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration Brigitte Berthouzoz
Suisse, Carole Roussopoulos, 2006 (product.), 32min., N/B et coul.
Ce film illustre la progression d’une prise de conscience opérée dans la seconde partie du XXème siècle au sujet des besoins des personnes en fin de vie, par des pionniers qu’ils soient soignants, chercheurs, psychologues, bénévoles ou autres acteurs de la société civile.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Franceline Dupenloup
Suisse, Carole Roussopoulos, 2006 (product.), 25min.30, coul.
La parution du livre « Les Femmes dans la mémoire de Genève » confirme le manque de reconnaissance envers les femmes qui ont marqué notre histoire. Par ailleurs, suite à une pétition sur l’absence de modèles féminins dans les programmes scolaires, Amal Safi rencontre Franceline Dupenloup, responsable égalité au DIP. Grâce aux études genre, différents travaux mettent enfin en lumière l’apport inestimable des femmes. Patricia Roux, nous précise le but de ces études, et deux de ses étudiants expliquent pourquoi ils y participent. L’absence de modèles féminins dans les sciences et la technique est l’une des raisons du faible pourcentage de femmes ingénieures, comme nous le confirment deux étudiantes de la Haute école valaisanne.
Réalisation : Fatxiya Ali Aden, Sahra Osman avec la collaboration de Carole Roussopoulos, du Centre Suisses-Immigrés Sion Suisse, de l’Institut international des Droits de l’Enfant (IDE) Sion Suisse
Suisse, Carole Roussopoulos, 2007 (product.), 35min., coul.
Fatxiya Ali Aden et Sarah Osman, deux jeunes femmes d’origine somalienne vivant en Suisse, ont été toutes deux excisées et infibulées alors qu’elles étaient encore enfants. Adultes, avec Halima, elles dénoncent ces mutilations et partent à la rencontre de pionnières et pionniers suisses dans la dénonciation de ces pratiques, dont le but premier est de mépriser les femmes dans leur dignité.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Arlène Shale
France, Carole Roussopoulos, 2007 (product.), 22min., N/B et coul.
Versions française et anglaise sous-titrées
Le 14 avril 1986, la disparition de Simone de Beauvoir provoque un immense choc parmi les femmes du monde entier. Les images d’archives et les interviews de trois figures majeures du féminisme international, les américaines Ti-Grace Atkinson et Kate Millett et la française Christine Delphy, soulignent l’importance de l’héritage philosophique et féministe de Simone de Beauvoir.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une idée de Philippe Gex
Suisse, Terre des hommes, Carole Roussopoulos, 2007 (product.), 35min., coul.
L’association « Terre des hommes » du Valais accueille chaque année à La Maison de Massongex quelque 200 enfants gravement atteints dans leur santé et qui sont opérés dans les hôpitaux universitaires de Suisse romande. Ce séjour en Suisse leur permet d’accéder à un droit fondamental : celui d’être soigné. Depuis 2003, Yannick Noah apporte son soutien à La Maison dont il est le parrain et l’ami. Sa musique rythme le film.
Réalisation : Carole Roussopoulos
avec la collaboration de Paola Riva Gapany de l’Institut international des Droits de l’Enfant
Suisse, Carole Roussopoulos, 2008 (product.), 35min, coul.
Version originale française – versions allemande et anglaise doublées
Reyhan, Leïla, Sabahat et Arton ont dû épouser malgré leur refus et sous la contrainte violente de leur famille, des conjoints qu’ils n’ont pas librement choisis. Ils témoignent du calvaire qu’ils ont vécu et de la difficulté à se reconstruire. Différents professionnels soulignent la nécessité de protéger les victimes, de les renseigner sur leurs droits et de favoriser la prévention et l’intégration des communautés concernées.
Réalisation : Carole Roussopoulos sur une proposition d’Alexandra Roussopoulos
France, Alexandra Roussopoulos, Carole Roussopoulos, 2008 (product.), 27min.30, coul.
A l’écoute de l’eau et de ses mystères, Gaston Bachelard, dans son essai sur l’imagination de la matière, nous entraîne dans une méditation sur la substance de l’eau et nous invite à la création.
L’exposition « L’eau et les rêves », conçue et réalisée par Alexandra Roussopoulos, a regroupé les œuvres d’une soixantaine d’artistes à la galerie Kamchatka, à Paris, en mai et juin 2007. Deux mois durant lesquels ont eu lieu plusieurs événements, lectures, happening, comédie musicale, questionnaire, projections, concert.
Réalisation : Carole Roussopoulos, Nicole Mottet
Suisse, La ligue valaisanne contre le cancer, Carole Roussopoulos, Nicole Mottet, 2009 (product.), 26min, coul.
Ainsi va la vie donne la parole à des personnes qui ont été confrontées, elles-mêmes ou leurs proches, à l’expérience du cancer, de la peur de la mort à l’espoir de vaincre la maladie. À travers les initiatives de la Ligue valaisanne contre le cancer, le film souligne la nécessité d’accompagner les malades et leurs familles aux niveaux tant pratique que psychologique. La Ligue les aide dans leurs démarches quotidiennes et leur parcours médical, leur accorde un temps d’écoute et les suit sur le long terme.
Réalisation : Carole Roussopoulos avec la collaboration de Canal 9 à Sierre, le Centre de Pramont et l’Institut international des Droits de l’Enfant (IDE) Sion Suisse
Suisse, Carole Roussopoulos, 2009 (product.), 35min, coul.
De jeunes résidents de Pramont, un centre éducatif fermé, situé en Valais, se voient confier la caméra pour raconter leur quotidien et exprimer leurs espoirs sur leur avenir. Le scénario, bâti sur leurs témoignages et des entretiens avec leur maître d’apprentissage, est écrit par eux. Le film révèle que la prise en charge éducative des jeunes en conflit avec la loi donne de meilleurs résultats que le modèle répressif et offre une réelle nouvelle chance à des jeunes, quelle que soit l’infraction commise.
Réalisation : Carole Roussopoulos
Suisse, Carole Roussopoulos, 2009 (product.), 53min, coul.
Composé à partir d’archives photographiques, cinématographiques, télévisuelles, vidéos et sonores, ce film retrace le parcours hors du commun de Delphine Seyrig et dévoile des aspects méconnus de cette actrice aux facettes multiples, trop souvent réduite à une icône surréelle et inaccessible. Loin de toute nostalgie mais mu par une volonté de témoigner, Delphine Seyrig, un portrait évoque avec force ses convictions et ses engagements féministes mais aussi sa découverte et sa pratique de la vidéo en tant que réalisatrice, nous faisant partager ses enthousiasmes et ses colères. « La seule entrave à sa liberté, c’est l’injustice dont les autres sont victimes », disait d’elle Marguerite Duras.
"Pionnière de la vidéo, virtuose du pamphlet filmique, géante du documentaire"
Nicole Brenez est professeure à l’université Panthéon-Sorbonne.
Avec une énergie inépuisable, un humour ravageur, une pertinence historique qui se confirme chaque jour et depuis 1969 ne s’est jamais arrêtée, Carole Roussopoulos de Kalbermatten, seule ou en collectif, n’a cessé de réinventer les formes de l’essai et de l’analyse visuelle en documentant les luttes féministes, homosexuelles, ouvrières et anti-impérialistes.
Son œuvre considérable couvre quarante ans de luttes, quarante ans de combats toujours gagnés à force d’intelligence et de savoir-faire politique, victorieux toujours sur le terrain législatif, jamais acquis sur le terrain plus mouvant des mentalités et des comportements.
En 1979, Jean-Luc Godard a réalisé l’un de ses très belles œuvres, le n°300 des Cahiers du Cinéma. Il y publia notamment des lettres à quelques amis, dont l’une à Carole Roussopoulos, où il écrivait : « Je me demande pourquoi les gens de cinéma ont tellement envie de filmer les autres avec tellement de frénésie. On ne peut pas avoir besoin de tout le monde comme ça ».
Godard avait acheté la première caméra vidéo en France, et Carole la seconde. Vingt-cinq ans plus tard, à l’occasion d’un catalogue consacré à Godard pour son exposition « Voyages en utopie », nous avons demandé à Carole Roussopoulos si elle voulait bien répondre à la lettre de Godard, ce qu’elle a fait et, comme tous les contributeurs du livre, a envoyé un petit CV qui constitue la meilleure introduction qui soit à sa vie et son œuvre.
CURRICULUM VITAE
Nom : Roussopoulos – de Kalbermatten
Prénom : Carole
Née le : Le 25 mai 1945 à Lausanne
Situation familiale : Mariée – 2 enfants
Nationalité : Suisse – française – grecque
Activité générale : Réalisatrice video
1964 - 1967 : Etudes de lettres à Lausanne
1969 : Création de Video Out, un des premiers groupes video en France
1973 – 1976 : Enseignante à Vincennes (Paris VIII) en sciences de l’Education, section audio-visuel
1982 : Fondatrice à Paris, avec Delphine Seyrig et Ioana Wieder, du Centre Audiovisuel Simone de Beauvoir
1987 – 1994 : Directrice à Paris de L’Entrepôt (trois salles de cinéma « art et essai », une librairie, un restaurant, un bar)
1995 : Déménagement à Molignon
2001 : Chevalière de la légion d’honneur
2004 : Prix de la Ville de Sion
« Privilégier l’approche des ‘sans voix’ » : il faudrait à cet égard opérer un rapprochement méthodologique entre cette œuvre d’histoire immédiate et celle qu’au cours des mêmes décennies accomplit Arlette Farge en histoire rétrospective, toutes deux sur la base des propositions théoriques de Michel Foucault.
Se trouver exactement là où souffle l’histoire, là où naissent les étincelles qui vont embraser la prairie, savoir regarder les flammes de telle sorte qu’elles entrent dans le cadre au bon moment, requiert une capacité d’analyse hors pair dont Carole et Paul Roussopoulos se sont montrés capables pendant des décennies d’activisme en images. Documentation pure, comme dans le cas du F.H.A.R. (1971), de La marche du retour des femmes à Chypre (1975) ; portraits bouleversants de Monique et Christiane dans les films sur LIP (1976) ou des mères de militants basques exécutés par le régime franquiste dans Les mères espagnoles (1975) ; essai critique sur les images dominantes, comme dans l’hilarant Maso et Miso vont en bateau (1976) ou l’enquête menée par Delphine Seyrig sur les actrices professionnelles dans Sois belle et tais-toi (1976) ; mise en scène miraculeuse du S. C. U. M. Manifesto (1976) où, derrière Carole et Delphine rallumant les lignes incendiaires de Valerie Solanas, arrivent par l’écran de télévision exactement les images d’actualité argumentant la véridicité factuelle des propositions démentes de Solanas, les hommes explosant le monde à Beyrouth tandis que les femmes marchent pour la paix à Belfast… (Carole Roussopoulos certifie que les images n’étaient pas préalablement enregistrées mais captées en direct au hasard).
Dès 1970, son Jean Genet parle d’Angela Davis fournit le protocole même de « l’attention créatrice » valorisée par Simone Weil : d’abord, être là où il faut ; ensuite, préserver avec amour toutes les secondes de l’événement, les trois prises du discours de Genet en faveur d’Angela Davis emprisonnée sont précieuses, et aussi les hésitations et bafouillements de l’auteur car, comme dit Genet lui-même, « je fais de plus en plus de lapsus, d’abord parce que je suis vieux, puis je suis ému, et en plus je suis bourré de nembutal » ; enfin, à une intervention promise à la censure, opposer la force empathique de l’enregistrement et de la conservation, c’est-à-dire le génie même de la vidéographie.
Pionnière de la vidéo, virtuose du pamphlet filmique, géante du documentaire politique à l’instar de Joris Ivens, René Vautier, Chris Marker ou Robert Kramer, pour citer quelques uns de ceux qui se sont battus en images et au présent sur tous les fronts, elle n’a peut-être pas besoin de tout le monde, comme le lui demandait Jean-Luc Godard, mais tous ceux qui entreprendront une histoire populaire auront besoin d’elle.
Références
Jean-Luc Godard, « Lettre à Carole Roussopoulos », 12 avril 1979, in Cahiers du Cinéma n°300, p. 30.
Simone Weil, Formes de l’amour implicite de Dieu (1943), in Œuvres, Paris, Gallimard, 1999, p. 726.
Propos cités par François-Marie Banier dans un article du Monde aimablement communiqué par Yolande et Janet du Luart.
"La grande avancée des féministes, c’est de ne pas couper notre vie en tranches de saucisson : notre vie personnelle, notre vie politique, notre vie affective, notre vie professionnelle"
Hélène Fleckinger est spécialiste de l’histoire du cinéma des femmes.
Entretien avec Carole Roussopoulos paru dans Nouvelles Questions Féministes, volume 28, n°1, 2009, p. 98-118
Qu’as-tu entrepris en arrivant à Paris et comment as-tu commencé à faire de la vidéo ?
J’ai débarqué à Paris en 1967, avec une équivalence à la Sorbonne, sous prétexte de poursuivre les études de lettres que j’avais commencées à Lausanne. Je suis partie en 2 CV pendant la nuit, avec quelques bouquins, des disques et trois fringues dans le coffre. Mon père m’a coupé les vivres. Je me suis installée dans une chambre de bonne et j’ai commencé par faire des ménages. Une amie de mon père m’a finalement trouvé un stage de trois mois au journal Vogue. Je devais ensuite rentrer en Suisse passer mes examens. Mais au bout des trois mois, une des rédactrices, Bettina, a eu un grave accident de voiture et du jour au lendemain on m’a proposé de rester et de la remplacer. J’y suis restée plusieurs années.
Indépendamment du contenu, c’était un journal avec une grande qualité de photos et d’impression. J’y ai appris beaucoup de choses. Il y avait neuf rédactrices, tout se faisait à la maison, et c’est la première fois que j’ai connu des femmes indépendantes qui avaient besoin de travailler, qui s’assumaient et qui avaient une vie intéressante. Pour moi qui venais d’une famille de notables valaisans – mon père était banquier – où les femmes n’avaient jamais travaillé, c’était une grande découverte. J’ai côtoyé les plus grands photographes du monde, les plus grandes stars, les plus beaux mannequins. J’ai perçu la souffrance de ces femmes qui nous faisaient rêver et qui dans le quotidien se coltinaient des problèmes d’insécurité terribles, déjà à l’époque, parce qu’elles avaient une ride ou un kilo en trop. Je trouvais ça terrifiant et ça m’a permis de démystifier tout un milieu. J’allais très souvent rendre visite à Bettina à l’hôpital. Quand elle est sortie du coma, je lui ai dit : " Bats-toi. Le jour où tu iras de nouveau bien, je démissionnerai et tu reprendras ton poste ". Trois ans plus tard, elle se portait beaucoup mieux et j’ai commencé à aller voir le comité d’entreprise et à parler aux différentes rédactrices en leur disant : " Vous êtes d’accord, on se bat toutes et on réintègre Bettina ! Moi j’ai appris ce que je devais apprendre, je vais prendre un autre boulot ". Le directeur l’a su et ça a été terrible. J’ai été convoquée, j’ai continué à me battre et j’ai été virée du jour au lendemain sous un autre prétexte, totalement anecdotique et de mauvaise foi. Bettina, elle, n’a jamais été réintégrée.
Mais cette injustice m’a finalement rendu service. Le jour où j’ai été virée, Paul Roussopoulos déjeunait avec Jean Genet. J’étais complètement désespérée d’avoir été vidée comme une malpropre en un jour, car je n’avais même pas passé mes examens et ce n’était pas le moment que je m’étais fixé pour partir ! Je suis donc arrivée en pleurant et Genet, en me voyant ainsi, m’a dit : " Ce n’est vraiment pas la peine de vous mettre dans un état pareil ! Est-ce que, au moins, vous avez pensé à demander un chèque de licenciement ? " Je m’étais en effet battue pour avoir trois mois de salaire. Il m’a pris le chèque des mains : " C’est exactement ce qu’il vous faut pour être une femme libre. Dorénavant, vous n’aurez plus besoin ni de directeur ni de rédacteur en chef ! Il y a une machine révolutionnaire qui vient de sortir... " Un certain Patrick Prado lui avait montré le fameux " Portapack " de Sony, une toute nouvelle caméra vidéo portable. Nous sommes allés tous les trois, Paul, Genet et moi au numéro 1 du boulevard Sébastopol. Nous avons déposé le chèque directement à la boutique – ce qu’on pouvait faire à l’époque – et nous sommes repartis avec la caméra et le magnétoscope en bandoulière. C’était le deuxième appareil de ce genre vendu en France. En rentrant à la maison, nous ne savions pas comment ça marchait ! Je me souviens être descendue dans la rue avec Genet pour faire des essais en suivant les chats et les gens qui passaient... Je ne savais absolument pas filmer et je n’avais jamais pensé faire de la vidéo ! Même si j’aimais beaucoup les photos, c’était plutôt le journalisme écrit qui m’intéressait, pas le journalisme tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, mais aller donner la parole aux gens, voyager, découvrir des choses que justement je ne connaissais pas. J’avais l’impression que c’était une manière de faire des rencontres, de connaître des pays et des situations. Après l’expérience de Vogue, j’ai d’ailleurs fait des piges pour Jeune Afrique. On s’est mis en grève, j’ai fait un film sur le mouvement, et j’ai évidemment été virée juste après… Il n’y avait pas encore Libération, l’avenir était donc très bouché du côté du journalisme. Je ne sais pas quel métier j’aurais fait sans cette rencontre avec Genet. La vidéo a été pour moi une chance extraordinaire.
Une fois ta caméra achetée, quel usage en as-tu fait ? Quels ont été tes premiers tournages ?
J’ai réalisé à Paris cette bande vidéo sur Jeune Afrique, une autre sur Vogue et la bêtise du milieu de la mode, et une autre encore avec Brigitte Fontaine et Areski. Puis un jour Genet nous a demandé à Paul et à moi d’aller dans les camps palestiniens avec lui et Mahmoud Al Hamchari, le premier représentant de l’OLP à Paris. C’était le moment où le roi Hussein de Jordanie napalmisait les Palestiniens. Il avait décidé de les liquider, de les neutraliser. Nous sommes partis tous les quatre en septembre, et ce fut le fameux " Septembre Noir ". J’en ai pris plein la gueule en découvrant la vie des Palestiniens. Devant le désarroi et la pauvreté, la révolte m’a saisie. C’était une situation que je ne connaissais pas du tout. Hussein s’était fait livrer du napalm américain, le même qui était envoyé sur les Vietnamiens. Les enfants et les femmes étaient recouverts de cette espèce de miel, collant, qu’on ne peut pas enlever, et qui brûle au deuxième ou troisième degré. C’était épouvantable.
Quand nous sommes rentrés en France, nous avons montré le film, qui s’appelait Hussein, le Néron d’Amman, et tout s’est enchaîné très vite. Un jour, un Black Panther, légal, qui avait entendu parler de cette bande vidéo, nous a contactés car ils avaient gardé la machine NTSC d’une équipe de journalistes américains venue les interviewer et ils ne savaient pas s’en servir. Nous avons passé un mois à Alger pour donner des cours de vidéo aux Black Panthers, mais aussi à tous les mouvements de libération : aux Angolais, aux Vietnamiens, etc. La vidéo portable permettait de donner la parole aux gens directement concernés, qui n’étaient donc pas obligés de passer à la moulinette des journalistes et des médias, et qui pouvaient faire leur propre information.
Après, toute notre vie a été une succession de rencontres parce que des gens voulaient qu’on leur apprenne la vidéo. Ils nous contactaient pour qu’on les aide, soit à monter des images qu’ils avaient eux-mêmes tournées, soit à apprendre à utiliser les machines. Au début, c’étaient plutôt des militants qui se servaient de ce média pour renforcer les luttes dans lesquelles ils étaient impliqués. Les mouvements révolutionnaires ressentaient ce pouvoir de l’image comme une force. Il était donc possible d’utiliser cette force – cette crédibilité – au service des luttes, de notre point de vue. C’est pourquoi les gens rentraient facilement en contact avec nous. Tous les premiers groupes indépendants de vidéo légère, qu’ils soient américains, québécois, français, italiens ou allemands, ont utilisé la vidéo de la même manière que nous. Ce n’était pas du tout pour faire de l’art. Les groupes de vidéo militante n’avaient rien à voir avec le milieu du cinéma. C’était vraiment pour faire de l’animation dans les quartiers, pour parler des problèmes sociaux.
Comment as-tu rencontré les filles du tout nouveau Mouvement de libération des femmes ?
Ce fut un coup de chance, et justement grâce à la vidéo... Un certain Alain Jacquet s’occupait d’une structure aux Beaux-Arts, à UP6, où se trouvait une installation vidéo, et en particulier un grand banc de montage 1 pouce IVC, très perfectionné pour l’époque, avec lequel Jean-Luc Godard a monté ses premiers films. Nous nous connaissions car nous étions très peu nombreux à faire de la vidéo et il m’avait dit que je pouvais travailler la nuit sur les machines, ce que j’ai évidemment fait. C’est là que j’ai rencontré les filles qui essayaient de monter la première bande vidéo féministe en France, Grève de femmes à Troyes , sur la première grève d’ouvrières avec occupation des locaux dans une usine de bonneterie. Elles m’ont demandé de les aider. Nous avons d’abord parlé vidéo, puis elles m’ont dit qu’elles se réunissaient tous les mercredis soirs. Elles m’ont proposé de venir et je n’en suis plus partie. Cette rencontre a été décisive pour moi.
Je n’étais donc pas dans les pionnières du Mouvement de libération des femmes. Je suis arrivée peut-être six mois après les premières réunions dans ce fameux amphithéâtre du mercredi. Au début, j’étais tétanisée, j’écoutais derrière, tout discrètement. Je trouvais ces femmes géniales. Tout le monde parlait en même temps. C’était un bordel incroyable mais très gai. J’ai pu formaliser tout ce que je ressentais. Nous avions des intuitions, nous ne nous sentions pas bien dans certaines situations, mais sans bien comprendre pourquoi. Nous pensions être les seules et tout à coup nous avons découvert que ce que nous lisions, ce que les femmes disaient, c’était exactement ce que nous ressentions. Ça nous a donc donné une assurance formidable, ça nous a réconciliées avec nous-mêmes et ça nous a fait nous aimer. Dans Debout !, une femme suisse, Marie-Jo Glardon, dit cette très belle phrase à propos des relations entre les homosexuelles et les hétérosexuelles du mouvement : " En aimant les femmes, on a appris à s’aimer soi-même ".
Les AG puis les bouffes au restaurant, les manifestations, les actions n’étaient que solidarité et rigolade. Les filles étaient tellement drôles ! C’était une fête continuelle et une créativité complètement débridée. J’étais très heureuse. Une des actions que je trouve la plus géniale, et qui me fait encore aujourd’hui le plus rigoler, c’est le dépôt de la gerbe de fleurs à la mémoire de la femme du soldat inconnu. Je n’y ai pas participé puisqu’à l’époque je ne connaissais pas du tout les filles et que je ne l’avais même pas lu dans la presse. Mais tout le mouvement est résumé dans l’humour et la justesse de cette action. Le Mouvement de libération des femmes, qui a duré à mon avis très peu de temps, était vraiment lié à cette subversion et à cet humour. C’est comme ça qu’on peut gagner des luttes, ce n’est pas en faisant du militantisme ennuyeux où on se sacrifie dans des réunions... Et c’est vrai que le jour où nous n’avons plus rigolé, c’était la fin du mouvement, c’est devenu autre chose.
Quand tu étais enfant, avais-tu déjà une conscience féministe, même si tu ne connaissais pas le mot ? Des éléments de ta vie personnelle et familiale l’ont-ils favorisée ?
Mes parents étaient le deuxième couple divorcé en Valais, ma mère avait perdu la garde de mon frère et moi, et nous avons donc été élevés par notre père. C’était une situation très rare. Nous étions montrés du doigt. À l’époque, dans les écoles religieuses, on disait que les parents divorcés allaient en enfer. Enfant, je n’ai manqué de rien, si ce n’est de l’affection d’une mère, ce qui n’est pas n’importe quoi, et de culture. A la maison, il n’y avait pas de discussions intéressantes, pas de livres – Maurice Druon dans le meilleur des cas –, même pas de musique. Quand je suis arrivée à Paris, je croyais qu’être de gauche, c’était rouler à gauche. C’est pour te dire l’énormité du désastre. Incroyable ! Ma famille était abonnée à un journal local qui était de droite, pour ne pas dire d’extrême-droite. Je ne regrette pas d’avoir eu une famille atypique, au contraire, je pense que ça m’a justement donné du punch. Mais je n’ai malheureusement pas reçu une éducation intéressante ou intelligente, en tout cas, pas ouverte sur le monde. J’avais donc beaucoup de retard par rapport à la plupart des jeunes Françaises ou Français. Quand je suis arrivée à Paris, j’avais l’impression d’avoir pratiquement vingt-deux ans de retard...
Je ne sais pas si l’on peut dire que j’avais déjà une conscience féministe, mais j’étais très heurtée par les injustices faites aux femmes. Les femmes de ma famille étaient assez fortes, les sœurs de mon père ne se faisaient pas tabasser et elles avaient, intra muros, du caractère. Mais j’ai compris assez vite que les femmes vulnérables, c’étaient les domestiques, celles qu’ils appelaient les bonnes. On pouvait les exploiter à merci et elles vivaient dans des chambres qui n’étaient pas chauffées, contrairement aux nôtres... J’ai aussi compris rapidement que les mariages étaient arrangés, ce n’était certes pas la situation des mariages forcés, mais c’est une des raisons pour lesquelles je suis partie. J’ai trouvé totalement odieuse toute cette énergie déployée dans les familles pour organiser des mariages, ce qu’ils appelaient de beaux partis. Les familles de mon milieu considéraient que les filles n’avaient pas besoin de suivre des études. Les femmes de ma génération faisaient dans le meilleur des cas lettres ou infirmière... Beaucoup d’éléments m’ont probablement rendue vigilante : il ne fallait pas se laisser déborder. Les gens qui m’ont connue à cette époque me disent que j’étais déjà complètement atypique comme petite fille et jeune fille. Moi, je n’en n’avais pas du tout le sentiment... Je ne me rappelle plus la vie dont je rêvais, mais probablement de ne pas rester enfermée dans cet univers ennuyeux. Je n’avais envie d’aucun boulot en particulier, je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie, ni où, ni quand, ni avec qui.
Quelles femmes ont particulièrement marqué ton parcours ? Des lectures comme celle de Simone de Beauvoir t’ont-elles influencée ?
Quand j’étais jeune, j’étais complètement hors circuit, je n’avais pas de références. Je ne te dirai pas que j’ai lu Simone de Beauvoir à quinze ou dix-huit ans, je ne te citerai pas Andrée Michel ou les suffragettes anglaises et américaines. Des lectures m’ont bien sûr marquée. J’ai même réalisé en 1975 un film avec les prostituées parce que j’avais lu un pamphlet de Kate Millet quinze jours plus tôt ... Mais c’est davantage la pratique et le contact avec les gens qui m’ont intéressée et influencée. Ce sont les personnes qui me donnent de l’énergie. J’ai plus appris en discutant avec les femmes elles-mêmes – en les voyant, en faisant des films avec elles, en menant des actions communes – qu’en lisant leurs bouquins. J’avais lu le Deuxième sexe, j’aimais beaucoup les Mémoires d’une jeune fille rangée, mais ce n’était pas le plus important pour moi. Voir la vie que menait Simone de Beauvoir, sa modestie à l’égard des féministes, me faisait davantage grandir. Delphine Seyrig aussi m’a énormément apporté. C’était quelqu’un de très irrévérencieux. Ce n’est pas parce que quelqu’un était connu, important, qu’il fallait s’écraser, se mettre à genoux et le remercier. Au contraire, il fallait toujours garder la tête haute et faire passer ses convictions en premier. Delphine avait un humour, une imagination, une énergie incroyables et toujours l’envie de faire une manif, une action, une vidéo. Elle était complètement bilingue et nous rapportait souvent des bouquins des États-Unis, qui n’étaient pas encore traduits, comme le livre de Susan Brownmiller sur le viol. J’ai découvert énormément de choses en écoutant Delphine. Nous faisions des lectures ensemble, elle nous traduisait des chapitres et nous parlait de ce qu’elle avait lu la veille.
Mes modèles, ce sont en fait les pionnières du Mouvement de libération des femmes en France et en Suisse, où j’ai vécu, et ce sont mes copines ! Je suis très émue et heureuse d’avoir eu la chance, en arrivant d’un bled comme le mien, de rencontrer toutes ces femmes exceptionnelles. Je trouvais que ce qu’elles disaient était formidable, alors je mettais la caméra à leur service, au service des causes qu’elles avaient initiées. Tout simplement. Quand on vit avec celles qui font l’Histoire, quand on peut apprendre des choses en se faisant des tartines de confiture le matin, en buvant des coups ou en se baladant, c’est quand même extraordinaire ! C’est une vraie symbiose entre la réflexion et les plaisirs de la vie...
Dans les années soixante-dix, tu as réalisé de nombreuses bandes vidéo féministes avec Delphine Seyrig et Ioana Wieder. Comment les avais-tu rencontrées ? Pourquoi signer du nom des " Insoumuses " ?
Pour gagner ma vie, le week-end, j’organisais des stages pour apprendre la vidéo à des femmes, car il n’y avait pas de professeur. Un jour, Delphine Seyrig a sonné à ma porte, avec une de ses copines, Ioana. Elles se sont inscrites au stage. Moi, inculte comme j’étais, je ne savais pas qui était Delphine, je n’avais jamais entendu parler d’elle et je n’avais vu aucun de ses films. En Suisse, à l’époque, on ne pouvait pas aller au cinéma avant dix-huit ans. Par la suite, nous sommes devenues très amies. Quand je travaillais avec Delphine et Ioana, c’était plus cohérent de signer d’un autre nom que " Vidéo out ", parce qu’elles n’en faisaient pas partie. Elles ne discutaient pas avec le groupe de ce qu’on devait faire ou ne pas faire. C’était plus juste que nous ayons notre identité propre de trois copines qui faisaient des petits films exclusivement féministes, tandis que " Vidéo out " pouvait traiter de différents sujets. La dynamique n’était pas la même. Ensemble, nous étions très créatives et nous avons réalisé notamment SCUM Manifesto , une mise en scène du texte de Valerie Solanas, dont j’aimais beaucoup la radicalité, et Maso et Miso vont en bateau qui fait toujours mourir de rire les gens... Delphine avait enregistré la fameuse émission de Bernard Pivot avec Françoise Giroud, à la fin de l’année 1975, qui avait été décrétée année internationale de " la " femme par l’ONU. Nous avons décidé de répondre tellement nous étions choquées et scandalisées ! Le film est sorti au cinéma l’Olympic-Entrepôt. C’était la première fois à Paris qu’une salle était équipée correctement en vidéo. Paul avait fait un savant calcul pour que tout le monde dans la salle puisse voir un ou deux écrans. Nous avions enlevé des sièges, construit de petites structures métalliques, et posé des écrans dessus. La vidéo avait été projetée pendant plusieurs semaines et nous avions eu un grand article dans le Nouvel Observateur. Le directeur de cabinet de Françoise Giroud était venu me voir en me disant qu’elle était catastrophée par la vidéo et prête à entrer en discussion pour qu’on arrête de diffuser le film. C’était la seule chose qu’il ne fallait pas proposer à quelqu’un comme Delphine, qui a dit : " Puisqu’elle nous menace, nous allons garder le film deux fois plus longtemps ! ". Le film était la preuve par neuf qu’il fallait être radicales et que ça ne servait à rien d’être dans la séduction. Françoise Giroud avait beaucoup de compétences, elle était une grande journaliste, mais elle n’était pas féministe... Voilà encore une femme qui n’avait pas confiance en elle, qui était trop dépendante, même affectivement, des hommes, et qui n’était pas solidaire des femmes...
Quel regard portes-tu aujourd’hui sur la décennie 70 et comment as-tu vécu le déclin du Mouvement de libération des femmes dans les années 80 ?
Je pense que c’est la décennie la plus heureuse de ma vie. Tout était formidable. Le monde nous appartenait et nous le refaisions. Nous étions pleines d’espoir sur les changements de société. Les choses semblaient possibles, c’étaient les " Trente Glorieuses ". Tout allait bien, le chômage n’était pas un problème, le sida n’existait pas encore, la contraception, on en avait usé et certaines abusé. Il y avait des guerres, mais nous participions à un grand espoir collectif.
Après, il a fallu continuer à vivre dans un quotidien plus banal et ça n’a pas tous les jours été facile. J’ai trouvé terribles les années 80 : le manque d’humour, l’institutionnalisation, les bureaux de l’égalité. Ce terme de l’égalité entre les hommes et les femmes, nous ne l’avions jamais utilisé. Pourquoi chercher à être l’égal de quelqu’un qu’on conteste ? C’est évident que pour ancrer nos idées, il fallait passer par des structures un peu ennuyeuses. Les changements sociaux doivent aussi passer par là. J’ai gardé mes bonnes copines, j’ai évidemment continué à faire mon métier, mais ce n’était plus la fête, la rigolade, la sororité. Ce n’était plus le rêve, c’était autre chose.
Au tout début des années 80, nous avons fondé le Centre audiovisuel Simone de Beauvoir avec Delphine et Ioana, grâce à l’aide de Simone Iff et au soutien financier du Ministère d’Yvette Roudy. Le projet articulait archivage et production. Il me semblait en effet judicieux d’associer les deux, d’être dans le présent et non pas seulement dans le passé, ne serait-ce que pour enrichir les archives. C’était un très beau projet. Nous rassemblions des documents faits par des hommes ou des femmes concernant les femmes. Et je m’occupais de la production : élaborer des budgets, tourner des commandes et prendre des initiatives, faire ce qu’on avait envie de faire...
C’est aussi dans les années 80 que j’ai commencé à être payée pour ce que je faisais, à gagner de l’argent, à monter des productions, et donc à faire des sujets " plan-plan " parce qu’il fallait pouvoir manger. Comme je n’avais plus ces associations avec les féministes rigolotes et subversives, je suis rentrée dans des sujets plus conventionnels. Les films qu’on a réalisés sont moins marrants que ceux des années 70. Nous avons quand même essayé de trouver des sujets intéressants. Nous avons tourné un portrait de Flo Kennedy , une femme extraordinaire. Nous avons parlé pour la première fois des agricultrices, des conchylicultrices et autres travailleuses de la mer , de toutes ces femmes dont les activités n’étaient pas définies, qui n’avaient pas de statut, mais qui travaillaient pourtant dix heures par jour. Elles ont enfin obtenu des professions reconnues, ce qui était capital. Dans ces années-là, j’ai aussi commencé à travailler sur l’inceste qui était le tabou des tabous... J’ai eu de grands moments de nostalgie des années 70, mais ensuite on se créé son univers, son imaginaire. Soit on se laisse abattre, parce que collectivement il ne se passe pas grand-chose, soit au contraire on se dit qu’il faut continuer et on essaie de trouver des gens qui veulent aussi réaliser ne serait-ce que des petites avancées. Moi, je m’en suis tirée ainsi. J’ai encore tous les jours des envies de foutre la merde !
Tu es revenue vivre en Suisse en 1994. Qu’est-ce qui a motivé ton retour ?
J’ai quitté la France pour diverses raisons. L’expérience de " cheffe d’entreprise " à l’Entrepôt avait été éprouvante. Je passais par ailleurs des heures et des heures devant mon banc de montage et d’une certaine manière j’avais envie de revenir dans mon pays natal, de retrouver cette nature très prenante mais aussi de voir si je pouvais régler mes problèmes avec une enfance qui n’avait pas été très heureuse et facile. J’ai donc décidé d’affronter la situation et de voir si je pouvais me réconcilier avec ce pays. C’est ce que j’ai tenté de faire, et ça a réussi, puisqu’aujourd’hui je me sens comme un poisson dans l’eau ! Je suis maintenant très heureuse, alors que je ne l’étais pas du tout jusqu’à mes vingt ans... C’est formidable de travailler sur mes machines au milieu des montagnes ! C’est important pour moi parce que je traite de sujets difficiles et que je suis confrontée à la douleur des autres. J’ai besoin d’une vie assez organisée, calme, claire et ensoleillée. Je n’ai pas du tout changé de vie, ma manière de fonctionner et mes intérêts sont les mêmes, ma colère est indemne. Mais je me suis refait mon réseau. Je garde beaucoup d’amitié pour tous mes contacts à Paris, mais à présent c’est ici que je vis...
En 1999, j’ai tourné Debout ! , et ça a été un moment décisif pour moi. Je connaissais bien les filles françaises, mais pas du tout les suisses. Au début, ça n’a pas été facile. Je crois qu’elles ne m’ont pas vue avec sympathie, qu’elles m’ont trouvée grande gueule. Les relations étaient assez tendues jusqu’au jour où je leur ai montré la maquette du film. Et là, c’était gagné. Maintenant ce sont mes meilleures copines en Suisse, c’est aussi simple que ça ! C’est ce qui est formidable dans mon boulot...
Comment définirais-tu ta pratique féministe de la vidéo ? Dans une présentation du groupe " Vidéo out ", Paul Roussopoulos explique de façon très éclairante votre conception du militantisme par l’image, qui me semble convenir à ton travail, notamment féministe, jusqu’à aujourd’hui : il s’agirait d’" attaquer la société par les toits ", c’est-à-dire au niveau de l’idéologie, " plutôt que par les fondations " .
Nous n’allions pas nous établir en usine. Nous aurions pu le faire. C’était très à la mode chez les maos : les enfants de bourgeois que nous étions allaient travailler à l’usine pendant un an ou deux. Ça faisait rigoler tous les ouvriers, qui disaient : " C’est facile de venir travailler en usine quand on peut quitter l’usine et redevenir médecin, avocat, ou être entretenu par son papa et sa maman ". Je n’avais aucune aspiration à aller travailler avec les ouvrières. Mais nous étions admiratifs de leurs positions, de leur courage, de leurs analyses. Notre possibilité d’intervention consistait donc à leur donner la parole, à les mettre en avant.
Il faut rester très modeste. Je pense que les mouvements, les changements de société, se font parce que des gens convaincus, chacun dans son propre domaine, ont fait ce qu’ils devaient faire. C’est ce que le féminisme nous a appris. Dans le mouvement, il y avait des filles qui faisaient des chansons, des juristes, des juges, des députées, des activistes... Moi j’essayais de faire des bandes vidéo avec d’autres. Chacune faisait ce qu’elle savait faire, toutes ensemble et en même temps. Des intellectuelles écrivaient et formulaient des théories. Moi, je n’ai jamais été capable de formaliser une idée d’avant-garde et de la documenter intellectuellement. Je ne pense pas du tout qu’il faille mystifier le rôle des images dans les avancée sociales. Elles font partie intégrante de la lutte, point à la ligne.
Le moteur de ma révolte, et donc le moteur de cette énergie que je déploie encore aujourd’hui pour dénoncer les injustices, c’est tout simplement le manque de respect à l’égard des autres. Un matin je me réveille et j’ai envie de traiter d’un sujet, en apprenant une situation inédite ou en rencontrant des personnes, hommes ou femmes… Je peux par exemple parler de mon dernier film sur les mutilations sexuelles, Femmes mutilées plus jamais ! . Je n’avais pas réalisé que ça persistait en Egypte et ici, je croyais que la situation s’était améliorée. Un colloque avait eu lieu et j’ai appris qu’il y avait eu du monde. Des filles avaient témoigné, on m’a raconté ce qu’elles avaient dit, et qu’elles seraient très contentes de me rencontrer. Je suis donc allée boire un coup avec elles et j’ai découvert l’horreur du problème, encore très actuel, de façon globale mais aussi dans leur vie quotidienne avec les handicaps physiques et psychologiques. Je savais déjà tout ça mais je n’y avais pas accordé une attention très fine. Comment était-ce possible qu’en 2007 de telles choses existent encore ? Je leur ai demandé si elles voulaient se servir de la caméra pour mener un travail autour de ces problèmes et pour faire bouger les choses. Elles m’ont répondu : " Oui ". Voilà, c’est tout simple. C’est ainsi que j’opère un lien entre mon féminisme et l’esthétique, avec la vidéo ! Les images qui sont les plus proches de ce que je ressens, sont celles du passeur au volley ball – tu prends la balle et tu la passes – ou d’écrivain public.
Je n’ai pas de discours théorique sur mon travail. Ce sont des choses que je vis sans avoir besoin de les formuler. La grande avancée des féministes, c’est de ne pas couper notre vie en tranches de saucisson : notre vie personnelle, notre vie politique, notre vie affective, notre vie professionnelle, tout était lié. On globalisait les choses. C’est la même chose pour mes intérêts, mes relations avec les gens... Je me réveille le matin et je me dis : " Ça, il faut que ça s’arrête ". Ce qui m’intéresse, c’est d’avoir un petit levier d’action sur la réalité, en toute modestie, car je n’ai jamais pensé qu’une bande vidéo allait changer le monde. C’est la conjoncture, la rencontre de gens à un moment donné, qui fait bouger les choses. Et alors, l’image et mon énergie peuvent effectivement intervenir.
C’est une question d’énergie, plus que d’esthétique. Et une question de colère, un mot que j’aime beaucoup. Je trouve que la colère est quelque chose d’extrêmement positif. C’est ce qui fait qu’on ne s’endort pas sur une chaise en regardant la télévision. Le problème n’est pas de regarder la télévision, mais d’accepter tout ce qu’on vous dit, d’emmagasiner toutes ces désinformations. Les gens ont tendance à accepter tout parce qu’ils n’osent pas protester. Nous sommes entourés de technocrates qui décident de la vie des autres. Et nous qui sommes des féministes, des humanistes, nous ne sommes pas foutus de leur rentrer dans le lard et de gagner ! J’ai cessé d’accuser les autres et je commence à avoir le même discours à l’égard des femmes. Les femmes doivent se réveiller, elles ne pourront pas toujours accuser les hommes de tous les maux... Les femmes qui se font faire de la liposuccion et du botox, elles sont des centaines, des milliers, mais elles ne le font pas pour les mecs ! C’est un choix des femmes par rapport à elles-mêmes... et aux autres femmes.
Comment expliques-tu que les femmes se soient tout particulièrement emparées de la vidéo ?
C’est vrai que dans tous les groupes vidéo des années 70, les femmes ont occupé une place très importante. Mais ce n’est pas du tout parce que les caméras n’étaient pas lourdes que les femmes se sont emparées de la vidéo, contrairement à ce qu’on entend parfois. Nurith Aviv, qui est une des premières féministes camérawoman et qui a fait des films magnifiques, est petite, mais elle portait des caméras énormes 16 ou 35 mm ! Je ne pense pas que ce soit lié au poids de la caméra, mais au fait qu’il s’agissait d’un média vierge. Il n’y avait pas d’école, pas de passé et pas d’histoire. Les hommes ne s’en étaient pas encore emparés. Quand les femmes ont découvert cette machine, comme moi, elles se sont dit qu’il suffisait d’essayer : on efface, on recommence, on apprend sur le tas. Les caméras ne coûtaient pas très cher. Même si ça exigeait un investissement important au départ, les bandes étaient ensuite relativement bon marché, comme aujourd’hui les cassettes mini-DV. Nous pouvions donc prendre le temps de nos erreurs... Recommencer n’était pas dramatique.
Dans les groupes vidéo, y compris mixtes, je n’ai pas ressenti de sexisme, et c’était extrêmement satisfaisant. Les femmes y occupaient une place très égalitaire avec les hommes. Contrairement au cinéma, les femmes n’étaient pas seulement monteuses, elles étaient aussi réalisatrices. Nous étions en fait des artisanes, plus que des réalisatrices et des monteuses. Nous faisions tout et chacune savait tout faire. Les femmes se sont emparées de tous les postes de travail. Il n’y avait pas de division entre travail intellectuel et manuel/technique, et donc pas de hiérarchie, y compris entre les sexes. Moi, je n’aurais d’ailleurs jamais fait de cinéma, même si j’avais été millionnaire. Ce n’était pas du tout quelque chose qui me tentait. Je n’aurais pas pu établir les mêmes rapports de confiance avec les gens. Car c’est formidable de pouvoir leur remontrer ce qui a été tourné et d’effacer s’ils et elles ne sont pas d’accord. Nous le faisions systématiquement et nous le faisons encore aujourd’hui. Je travaille exactement de la même manière.
Peux-tu me me parler davantage de ton éthique de tournage ? Tu dis souvent que les images appartiennent aux personnes filmées et non à celle(s) qui filme(nt)...
Oui, car dans mes films je demande aux gens de se donner le plus sincèrement possible, d’approcher la vérité, sans faire pour autant d’exhibitionnisme. Mes films sont fondés sur des moments de concentration pendant quelques minutes avec la caméra. J’ai tout de suite senti qu’il fallait que je sois proche des gens avec ma caméra pour qu’eux aussi soient proches des spectateurs. J’ai très vite compris qu’en posant les questions, quand les gens me regardaient, et donc regardaient l’objectif, ils regardaient aussi les spectateurs et que ça donnait quelque chose de fort. Car malgré tout, c’est assez rare que la personne derrière la caméra pose aussi les questions. Je considère que ces images et ces sons, ces tranches de concentration ou de vérité, appartiennent aux personnes interviewées plus qu’à moi. Moi, j’ai envie de faire les films avec elles, je suis en quelque sorte la cheffe d’orchestre – c’est vrai que les bandes n’existeraient pas si je ne créais pas la situation pour qu’elles se fassent – mais ce sont les gens filmés qui se donnent. C’est leur vie, et les sujets dont je traite sont souvent sensibles. Il faut un sacré courage pour témoigner personnellement des mutilations sexuelles comme l’ont fait récemment Fatxiya, Sahra ou Halima, et même, à l’époque du FHAR , pour se dire homosexuel, car tout le monde était encore dans le placard. La fille qui a accepté que l’on filme son avortement dans Y’a qu’à pas baiser , alors que la pratique était illégale en France, a elle aussi fait preuve d’un très grand courage !
La moindre des choses est donc de montrer leurs images et leurs interviews aux personnes filmées, et de leur donner un droit de regard jusqu’à la fin. Car le montage n’est qu’une grande manipulation, on peut complètement changer les propos. La plupart des gens que j’ai filmés en ont bavé. Ce sont des gens qui ont énormément souffert – qu’il s’agisse d’inceste, de viol, de viol conjugal, de mutilations sexuelles, peu importe... Il ne faut donc surtout pas que le travail qu’on mène ensemble risque de participer à une chute d’identité. Je pense que, très souvent, les personnes que j’ai filmées vont mieux après qu’avant. Je ne fais pas de la thérapie, je ne suis pas psychologue, mais ce sont des personnes qui ont accepté d’être filmées face caméra, pour aider d’autres personnes dans la même situation qu’elles. Si le film est respectueux de ce qu’elles ont voulu dire, il leur donne un crédit, il les place par rapport aux spectateurs, et elles deviennent des pionnières des causes qu’elles défendent. Comme elles les défendent bien, je dirais très modestement qu’elles deviennent des héroïnes. Elles sont ces anonymes qui font l’Histoire.
En dénonçant à l’écran ce qui se passe, elles font gagner des années de lutte. Ce fut le cas pour l’inceste. Il y a aussi les avocates, les députées, et surtout la rue et les militantes féministes. Mais la vidéo, à travers les témoignages de femmes qui parlent, permet l’identification plus directement que l’écrit. Le film sur les mutilations sexuelles est passé dernièrement dans une petite ville près d’ici. Une femme africaine était présente avec ses copines. Réfugiée politique depuis plus de dix ou quinze ans, elle connaissait très bien son groupe de femmes, mais elle n’avait jamais dit qu’elle était mutilée. Ce soir-là, après avoir vu le film, elle s’est levée tout à coup et elle a pu reprendre les termes de Fatxya, Sahra et Halima pour parler d’elle-même. C’est une possibilité qu’offre la vidéo et c’est pour cela qu’il est si important d’accompagner les films de débats.
Ta démarche de réalisatrice semble entièrement fondée sur une prise de conscience – des personnes filmées mais aussi du public, qui n’est plus réduit à la passivité. Un point commun de tes films me semble être de ne pas placer les femmes que tu filmes dans une situation de victimes et de favoriser notre réflexion active...
La clé de tout mon travail, c’est de filmer des personnes qui ne sont pas au fond du trou ou en période de chute d’identité terrible, mais qui ont compris ce qui leur arrive. Dans mes films, toutes les femmes, toutes les victimes de violences sexuelles, ont analysé les mécanismes qui font qu’elles en sont là où elles en sont et qui veulent aider les autres à s’en sortir. Elles ont en commun une forme de conscience de leur situation et la conviction que l’audiovisuel est un moyen de sensibiliser le public aux horreurs qu’elles ont vécues. Je ne pourrais pas filmer une personne larguée qui n’a pas compris ce qui lui arrivait, je trouverais ça indécent, et je penserais plus utile qu’elle fasse un travail personnel pour comprendre ce qui lui arrive. La priorité ne serait pas de faire un film et de s’adresser à d’autres. En dénonçant ce qui arrive, on quitte la situation de victimisation dans laquelle, souvent, on est enfermé. On devient moteur de sa propre vie.
Dans les documentaires que l’on voit aujourd’hui à la télévision, il semblerait que le poste le plus important soit celui du journaliste. C’est lui qui propose un sujet, écrit son texte et ensuite l’illustre. Ma démarche est complètement contraire. Je sais où je veux aller quand je choisis de traiter un sujet ou quand j’ai une commande, – mais quand on me demande d’écrire un texte de présentation, je suis incapable de le faire. Très souvent, les personnes interviewées m’amènent dans des directions auxquelles je n’avais pas pensé et des thèmes entiers sont développés dans mes films, auxquels je n’avais tout simplement pas réfléchi. Pourquoi donc figer les situations alors qu’on peut rester ouvert ?
Pour moi, la vidéo n’est pas du domaine de la précision, pas plus que de l’émotion – car je déteste montrer des gens qui pleurent et je ne fais pas de la sensiblerie. J’essaie de montrer des images ni trop violentes ni trop fortes, car je pense que cela empêche les gens de réfléchir. Par exemple, pour le film sur les mutilations sexuelles, j’ai dû préciser sur la jaquette qu’il n’y avait pas d’images de mutilations. C’était important de les montrer il y a vingt ou trente ans, comme il était nécessaire de filmer un avortement dans sa longueur réelle pour dédramatiser l’acte. Mais aujourd’hui, on sait ce que sont les mutilations sexuelles, et il faut laisser les gens réfléchir et comprendre pourquoi c’est extrêmement humiliant et douloureux pour une femme. Ce n’est pas en montrant des images terribles qu’on mettra les gens de notre côté et qu’ils prendront conscience du système d’oppression dans lequel ces mutilations s’insèrent. La télévision n’aime justement pas que je ne montre pas d’images violentes et, surtout, que mes documentaires ne présentent pas le sujet dès le début en amenant toutes les questions que les gens se posent, avec les " solutions " toutes faites... C’est vrai que je ne facilite pas le travail du spectateur. Je ne mets jamais de commentaires en voix off dans mes films. Je ne crois pas que les spectateurs et spectatrices soient des benêts complets !
Sur quels sujets travailles-tu actuellement et quels sont tes prochains projets ?
J’ai un projet très concret sur les mariages forcés, qui est encore plus difficile que celui sur les mutilations, car je n’arrive pas à trouver des femmes qui acceptent de témoigner face à la caméra. Il y a des milliers de femmes suisses, d’origine turque, kosovar, africaine, etc. mariées de force. La répression de leur communauté et de leur ex-mari fait qu’elles risquent leur vie en témoignant, c’est donc très compliqué. Mais je vais le faire d’une manière ou d’une autre. Je voudrais aussi tourner un film sur la traite des femmes. Je pense que les trois sujets (traite, mariages forcés, mutilations) sont liés. Je n’en ai pas encore très bien compris toutes les ficelles, les tenants et aboutissants, mais j’en perçois bien la base commune : le contrôle des femmes.
Je commence également à travailler avec une fille pour qui j’ai une admiration sans bornes, Claudine Le Bastard. Elle est la première femme à avoir dénoncé l’inceste en France et elle a été un moteur décisif dans la création du premier groupe de parole de femmes victimes de violences sexuelles. C’est grâce à elle que j’ai réalisé le premier film sur l’inceste. Je voudrais faire un point avec elle, ses amies et les femmes du collectif, vingt ans après. Que s’est-il passé ? Où en est-on aujourd’hui ? On parle beaucoup de l’inceste, mais comment en parle-t-on ? Quand les femmes disent leur vécu, sont-elles vraiment prises en compte et en charge ? J’ai en effet appris que des psychanalystes violent leurs patientes. Des dizaines de femmes ont ainsi été abusées en France et en Suisse.
Ce que j’aimerais surtout aujourd’hui, c’est ne plus avoir de problèmes financiers (mais ça ce n’est pas pour demain) et ne travailler qu’avec les hommes. Sur ce terrain, j’ai peu d’alliées et beaucoup d’incompréhension. Mais je pense sincèrement que nous, les féministes des années 70, n’irons pas beaucoup plus loin. D’abord parce que nous commençons à être âgées, et donc fatiguées. Les jeunes femmes auront des idées originales, elles vivront leur lutte et leur autonomie d’une manière différente de la nôtre, et elles amèneront donc les autres femmes dans des directions auxquelles nous n’avions pas pensé. Mais je pense aussi que les femmes ont dit ce qu’elles avaient à dire et que maintenant les hommes doivent parler. Nous le pensons depuis longtemps, mais nous disions : " Ce n’est quand même pas à nous de faire parler les hommes, ils n’ont qu’à parler ! " ; " Ce n’est pas une priorité ! Les hommes violents, qu’ils se démerdent, qu’ils fassent leurs groupes, c’est à eux de se prendre en main ". Visiblement, ils ne parlent toujours pas beaucoup, ni d’eux-mêmes ni de leurs pulsions.
Nous avons consacré une partie de notre vie aux victimes – par exemple en créant des lieux –, et certaines femmes de ma génération en ont marre de panser les bobos des victimes. Les femmes ont déjà été atteintes quand on les rencontre, or ce qui est intéressant, c’est d’arrêter la chaîne des injustices, des rapports violents entre les hommes et les femmes. Les services sociaux, aujourd’hui, reçoivent une formation et peuvent aussi bien s’occuper des victimes, les recevoir, les faire parler. Mais pour briser cette chaîne et pour qu’il n’y ait plus de victimes, il faut comprendre et analyser en amont la violence des hommes. On la connaît, on sait qu’elle existe, on en a été témoins. Mais que faire ensuite pour la neutraliser ? Je pense que c’est aujourd’hui en travaillant avec les hommes qu’on peut trouver une approche et des choses différentes de ce qui a déjà été dit.
J’aimerais par exemple envoyer à des hommes des images que j’ai faites ou que d’autres femmes ont tournées, sur des femmes victimes. Je voulais travailler dans une prison d’adolescents, mais ça n’a pas pu se faire. J’aimerais mener un travail à long terme avec des jeunes qui ont déjà du sang sur les mains à quatorze ou quinze ans, et essayer de comprendre s’ils réalisent ce qu’ils ont fait, mais surtout pourquoi ils l’ont fait.
Qu’est-ce que le féminisme a changé dans ta vie personnelle ? Et quelle définition en donnerais-tu ?
Le féminisme m’a d’abord aidée à me réconcilier avec ma mère, qui est partie quand j’étais toute petite. Je n’ai aucun souvenir de ma mère à la maison. Elle n’a jamais fait cuire un œuf au plat, elle avait toujours du personnel. Elle ne nous embrassait pas pour ne pas abîmer son maquillage. Nous avions des rapports très bizarres et c’est sûr que j’ai énormément souffert de ne pas être élevée et aimée dans un sens traditionnel par ma mère. Même si nous n’avons toujours pas de relations très proches, j’ai compris, grâce aux féministes, que l’instinct maternel n’est pas inné. Je pensais que j’étais un cas isolé. On croit toujours qu’on est les seuls à vivre certaines situations. Dans ces fameuses réunions du mercredi, j’écoutais des femmes parler de leurs expériences, et de l’envie d’avoir ou de ne pas en avoir d’enfants. J’ai alors compris que ma mère n’était pas du tout atypique, que beaucoup de femmes n’avaient pas l’instinct maternel et surtout, qu’elles en avaient le droit.
Je dirais aussi que le féminisme m’a appris à lever la tête et à " marcher le nez au vent ", comme disent très joliment les Bédouins du désert. J’ai pris confiance en moi et j’ai acquis la conviction qu’on peut avoir des rapports égalitaires avec les hommes et qu’il faut lutter pour. J’ai compris qu’il ne faut jamais céder, qu’on peut tout gagner dans sa vie privée, dans ses relations avec les autres, mais qu’il ne faut pas être dans une séduction stupide ni avoir besoin d’être aimée tout le temps. Maintenant, je ne lâche rien. Rien du tout.
Le féminisme m’a apporté un regard global sur le monde. Les féministes françaises, et les féministes suisses que j’ai connues par la suite, avaient une véritable analyse politique de la société. Dans les années 70, nous n’avons jamais qualifié nos bandes de " bandes de femmes ", il n’y avait aucun risque de différencialisme. Nous refusions d’appartenir – et heureusement que cela avait été décidé ainsi – à des groupes d’extrême-gauche ou des partis politiques pour rester autonomes dans nos propres réflexions. Nous étions néanmoins toutes très politisées. Les féministes ont toujours été internationalistes. On a réduit le féminisme à une querelle de rapports de force entre hommes et femmes, aux problèmes du droit de vote puis de l’avortement, mais c’est totalement faux. Le féminisme implique une diversité des préoccupations. Kate Millett, dans Des fleurs pour Simone de Beauvoir , explique très bien que les féministes ont toujours été contre les guerres, qu’elles ont toujours dénoncé les conditions de détention en prison, qu’elles se sont toujours préoccupées de la classe ouvrière et des injustices sociales. Elles ont défendu les enfants et l’éducation. Peut-être ont-elles moins parlé des rapports sexuels, du lesbianisme, de l’homosexualité. Mais elles ont analysé tous les problèmes de la société. Le féminisme est donc bien le plus grand des humanismes comme dit Franceline Dupenloup dans Debout ! Je suis d’accord avec cette définition.
Tu as toujours eu conscience de l’importance de conserver la mémoire des femmes et des luttes féministes. Penses-tu qu’il y ait eu transmission de l’expérience déterminante des années 70 ?
Non, probablement pas. Les femmes, les copines, ont fait ce qu’elles devaient faire, le mieux possible. Elles le disent elles-mêmes avec beaucoup d’humour, quand elles ont commencé à écrire des textes en 1969-70, elles pensaient inventer des concepts, et plus tard, quand des féministes historiennes ont écrit sur les suffragettes, quand elles ont retrouvé des lettres, des textes, des tracts, elles se sont aperçues que tout avait déjà été dit, qu’en fait elles n’avaient pas inventé une ligne, un mot ou un concept. La transmission, à l’époque, n’avait donc pas eu lieu et c’est vrai que c’est terrible de devoir chaque fois repartir à zéro. Il faut effectivement sauvegarder les photos, les écrits, les tracts, les affiches, les livres, je pense que cela facilite la transmission. Dans les années 70 en France et en Amérique, les femmes ont mis l’accent sur l’écriture, et ça ne m’étonnerait pas que ce soit nié, une fois de plus, effacé, oublié. Il n’y a pas beaucoup d’émissions de télévision sur ces femmes qui ont fait l’histoire, la presse n’a pas fait d’articles. Ces femmes ne sont absolument pas gratifiées et mises en avant comme elles devraient l’être. Mais est-ce que ce n’est pas un phénomène classique ? Finalement, a-t-on envie de remercier les gens qui dérangent de nous déranger ? A-t-on souvent rendu hommage aux gens, morts pour la plupart, pour ce qu’ils nous ont apporté ? Je crois malheureusement que ce n’est pas le cas. Nous avons été ridiculisées, traitées de mal-baisées, d’hystériques, de moches, et ça n’a pas non plus donné envie de s’identifier à nous.
Le féminisme a été tellement caricaturé que des femmes qui sont profondément féministes le rejettent effectivement. Combien de femmes commencent leur phrase en disant : " Je ne suis pas féministe, mais... " ! Ça, c’est terrible. Pourtant, si on aborde les problèmes calmement avec elles, elles reconnaissent en général que si les choses vont mieux, c’est grâce à nous, et que ce terme ayant été tellement déprécié, elles ont peur de l’employer pour elles-mêmes. Elles ne sont pas toutes dans la séduction des hommes, mais elles ne veulent pas être identifiées à des femmes caricaturées qu’elles ne connaissent pas, qu’elles n’ont pas connues personnellement, dont elles n’ont pas connu l’humour et la gaieté. C’est très flagrant dans les débats qui suivent les projections de Debout ! C’est la première chose que les gens disent : " Je ne savais pas que les féministes étaient comme ça ! ". Je suis très étonnée de voir que des jeunes découvrent que les filles avaient beaucoup d’humour, étaient belles et pas dogmatiques ! Les vidéos montrent les yeux qui brillent encore aujourd’hui, trente ans après. Le rôle des images dans la transmission est donc décisif, elles permettent de casser les clichés. Le Mouvement de libération des femmes a malheureusement trop peu d’archives. C’est pour cette raison que j’ai nettoyé et monté récemment la totalité des rushs des interviews de Debout ! Cela représente plus de vingt heures d’archives avec des pionnières du Mouvement en France et en Suisse ! Si les jeunes femmes étaient un peu plus informées, elles ne pourraient que suivre notre exemple. Ce qui importe, c’est effectivement de leur faire comprendre que c’est un grand bonheur et une grande rigolade de se battre ! Nous avons toutes à gagner de lever la tête, tout le monde, tous les opprimés de la terre.
Dans Debout !, tu demandes aux femmes interviewées ce qu’elles aimeraient dire aux jeunes femmes d’aujourd’hui. Je te pose à mon tour la question ...
Il faut s’entendre sur ce qu’est le féminisme... Nous n’avons jamais décerné d’étoiles. Toute femme qui bouge, qui est consciente, qui veut faire un peu évoluer les choses, est féministe. Toute femme qui décide de ne plus être un paillasson, pour moi, est féministe. Je n’ai pas de leçons à donner aux jeunes femmes d’aujourd’hui. Je ne vais pas les juger de ne pas prendre le même chemin que nous, de ne pas descendre plus nombreuses dans la rue. C’est aussi la situation financière, économique, politique actuelle qui fait qu’il n’y a pas un mouvement au sens où on l’entend. Le Mouvement de libération des femmes n’aurait probablement pas pu exister si nous n’avions pas été dans une conjoncture économique très favorable. Les grands mouvements de société peuvent se faire quand les choses vont bien. Si on arrêtait de travailler pendant un an, on retrouvait du boulot sans problème. La vie était quand même beaucoup plus facile.
Je suis très solidaire. Je pense que l’énergie de nombreuses jeunes femmes, aujourd’hui, est dans la tentative d’établir de nouveaux rapports avec leur compagnon. Et ça en plus du boulot, où règne la compétition, c’est déjà beaucoup. Elles luttent là où elles sont et à mon avis, elles sont en train de faire l’histoire, différemment, mais peut-être de manière encore plus prégnante que nous. Elles font la révolution dans leur couple, dans leur quotidien. Nous, nous l’avions faite dans la rue, nous avons posé des bases, nous avons fait changer les lois. D’une certaine manière, nous l’avons fait théoriquement dans les années 70 et maintenant elles sont en train de tisser la toile, et c’est peut-être ce travail en profondeur qui est en train de se faire. On pourrait dire qu’aujourd’hui les femmes sont dans la réalisation pratique de nos rêves et de nos utopies. Aujourd’hui les jeunes femmes ou les pères ne disent pas toute la journée à leurs fils qu’ils sont les plus grands génies de l’humanité, et en revanche, ils ne sont pas totalement désespérés quand une fille naît. Il n’y a plus le même poids sur les épaules des garçons. Les choses ont beaucoup bougé. De plus en plus d’hommes s’occupent de leurs enfants et y prennent du plaisir. Quand on va à la sortie des classes, c’est flagrant. Ils ne sont pas encore brillants dans les tâches ménagères, mais ils vont s’y mettre.
La relève n’est donc peut-être pas médiatique, on n’en parle pas tous les jours dans les journaux, elle est peut-être souterraine, mais capitale. Je suis prête à penser cela, sans aucune démagogie. Il ne faut donc avoir aucune aigreur à l’égard des jeunes femmes d’aujourd’hui. Elles peuvent se réveiller collectivement un jour, moi je suis pleine d’espoir. De toute façon je pense que ça ne peut aller que de l’avant, les femmes ne vont pas rentrer à la maison… Je crois que l’ère des paillassons est terminée.
Vous souhaitez consulter, commander ou diffuser un film ? Vous pouvez contacter le
Centre audiovisuel Simone de Beauvoir : doc@centre-simone-de-beauvoir.com
Archives Carole Roussopoulos